Marie Brassard, Rideau ! Musique ! Par Laurier Rajotte, laurajotte@yahoo.fr
/ 7 août 2005
À
l’aube de la première montréalaise de son prochain spectacle intitulé Peepshow,
la comédienne et créatrice Marie Brassard s’impose aujourd’hui sur la scène
locale, nationale et internationale en véritable artiste. D’abord
connue comme membre de collectifs dirigés par Robert Lepage (La trilogie des
dragons, Les sept branches de la rivière Ota), le désir de création
solo s’est toujours opéré en elle. Dès sa première œuvre, Jimmy, créature de
rêve, elle utilise le son comme élément essentiel au développement
dramatique et le manipule comme s’il s’agissait d’un costume qu’elle portait.
Marie et le son/musique
« Dans mes spectacles, le son est devenu un élément
aussi important que le texte et le jeu. En fait, même s’il est difficile de
faire la différence entre "son" et "musique", j’aime à penser qu’il s’agit
plutôt de musique. Le rythme y est pour beaucoup. Dans Peepshow, il est
assez juste de dire que j’utilise le son comme un masque ou un costume, car
c’est par des variations sonores faites avec des micros et des séquenceurs que
j’altère ma voix et indique au spectateur que je change de personnage. Non
seulement on crée avec ma voix, mais on en fait de la musique. Cela devient
presque des pièces musicales, mais ça demeure quand même du théâtre : je
continue de raconter des histoires. »
Tout le contenu de ses pièces est généré par le son,
car « les personnages eux-mêmes naissent du son et pas l’inverse ». Les
histoires naissent d’improvisations créées par sa voix et avec le son proposé
par Alexander MacSween, percussionniste, improvisateur, compositeur et
important collaborateur depuis son précédant spectacle, La noirceur. La
musique n’est pas comme une tapisserie dans les œuvres de Marie Brassard, mais
« un outil premier, fondamental » non sans rappeler la peinture où parfois
l’œuvre est générée par la couleur.
Marie et l’improvisation
La première chose que fait Marie Brassard lorsqu’elle
a une idée pour un spectacle est de s’installer dans un studio avec son
musicien pour y improviser pendant des semaines. « Alex et moi sommes en
train de développer une sorte de langage qui devient de plus en plus musical.
C’est mon intention de revisiter la forme du théâtre musical, mais dans une
perspective plus moderne. »
« Si j’écrivais une pièce et que je demandais à
quelqu’un de composer de la musique qui convienne à cette pièce, j’ai
l’impression que j’aurais déjà une idée précise de ce que je veux et que mon
idée s’arrêterait là. On peut réaliser une idée mais je suis plus intéressée à
laisser parler la musique pour nourrir l’idée. Cette démarche m’amène ailleurs,
à des endroits que je n’aurais pas pu imaginer. »
Marie et la musique live
« Je trouve que la musique live correspond bien
à la nature du théâtre où tout se fait en temps réel. Chaque élément est
susceptible d’être différent à chaque soir et la pièce est à réinventer. La
musique live, ce sera toujours mon premier choix. J’aime laisser la
place aux accidents possibles, ça me rassure énormément de faire un spectacle
et de savoir qu’il y a un musicien en maîtrise de son art qui est là et qui va
faire naître les choses dans l’instant présent, en équipe avec moi. »
Finale
La Scena Musicale : Qu’est-ce qu’une bonne musique au
théâtre ?
Marie Brassard : C’est une musique qui est tellement
éloquente qu’elle ajoute de la profondeur au propos et qu’elle présente l’objet
du spectacle sous un autre angle et nous révèle un sens caché de l’œuvre
théâtrale.
LSM : Quel est votre rêve artistique le plus fou ?
MB : Un jour, j’aimerais créer un spectacle dans
lequel je ne jouerais pas et où j’utiliserais cette manière de travailler le
son et la musique. J’aimerais m’asseoir et avoir l’impression d’avoir transmis
à quelqu’un d’autre une idée, voire un esprit, et sentir qu’il y a vraiment
quelque chose de moi dans ce spectacle.
LSM : Quels sont vos conseils à un jeune artiste ?
MB : Je trouve que la chose essentielle est d’avoir la
foi que tout est possible. Ce n’est pas vrai que tout a été fait, ce n’est pas
vrai qu’il y a des élus. Si on écoute la voix qu’on entend, on va créer quelque
chose qui sera unique. Il faut avoir le courage de son instinct, de ses idées.
Je ne crois pas à la recherche de reconnaissance dans le star-système, je pense
que c’est comme l’amour qu’on suscite chez les autres : ce n’est pas en
essayant de le provoquer que ça fonctionne. C’est lorsqu’une personne reste
elle-même, en émanant et en rayonnant, qu’elle devient un pôle d’attraction,
les gens la regardent, la désirent et ont envie de la connaître. Je pense que
c’est la même chose pour un artiste, plus on est soi-même, plus on crée quelque
chose d’unique et plus on va attirer les autres.
Peepshow de Marie Brassard
Musique et conception sonore : Alexander MacSween
Festival de théâtre des Amériques
30, 31 mai, 1er et 2 juin à 21 h / 5e salle de la
Place-des-Arts
Festival de théâtre des Amériques
du 25 mai au 8 juin / 514 842.0704 /
http://www.fta.qc.ca
D’autres spectacles à voir et à entendre durant le FTA
:
La chambre d'Isabella
Needcompany, Bruxelles
Jean Lauwers, texte, mise en scène et scénographie
Hans Petter Dahl & Maarten Seghers,
musique
31 mai, 1, 2 et 3 juin à l'Usine C
Dance on glasses
Mehr Theatrical Group, Chiraz, Iran
Amir Reza Koohestani, Texte, mise en scène,
scénographie, lumière et son / Ali Moini, Composition musicale et voix
6, 7 et 8 juin au théâtre Prospéro
Je ne sais pas si vous êtes comme moi
La cellule lumière rouge de mise au jeu, Montréal
Conceptrices : Nancy Roberge, Marie-Claude Gamache,
Marianne Matte et Martine Laliberté
Éric Forget-Lapointe, Conception sonore
Parcours dans le quartier Centre-Sud, le lieu de
départ sera communiqué à l'achat du billet
1, 2, 3, 4, 7 et 8 juin
|