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La Scena Musicale - Vol. 10, No. 8

La création en mai FIMAV 2005

Par Réjean Beaucage / 14 mai 2005


Le Festival international de musique actuelle de Victoriaville (FIMAV), toujours dirigé des deux mains (direction artistique et générale) par son fondateur Michel Levasseur, s’apprête à nous servir une programmation qui renoue avec une conception de la musique actuelle qui se situe au confluent du jazz d’avant-garde et de la musique contemporaine (avec l’exception notable d’une journée plus rock sur laquelle nous reviendrons).

Le directeur artistique du FIMAV tentait ces dernières années, avec plus ou moins de bonheur selon les points de vue, une percée du côté des musiques électros. Cette direction semblait pourtant naturelle, puisque les artistes de la nouvelle mouvance électro sont souvent issus de la scène de la musique actuelle (très vaste, comme on le sait) ou s’en rapprochent par divers aspects, l’un d’eux étant qu’il est souvent plus facile de parler de leurs musiques en disant ce qu’elles ne sont pas, plutôt que le contraire. Cependant, en s’ouvrant à ce nouveau genre, le FIMAV entrait en compétition avec d’autres festivals qui s’y consacrent aussi… En 2005, le festival Elektra, produit par l’Association pour la création et la recherche électroacoustiques au Québec (ACREQ), déménage de son créneau automnal habituel (soit la fin de la saison des festivals) pour passer, devant le FIMAV, au début mai. Le festival Mutek, qui se consacre au développement des formes émergentes de la musique électronique, se tient quant à lui au début de juin…

Placé en plein centre de ce nouveau triumvirat, du 19 au 23 mai, le FIMAV devait faire des choix et le directeur artistique n’a apparemment pas eu trop de difficulté à trancher.

« Je dois dire que j’ai atteint un certain degré de saturation vis à vis de ces musiques, explique-t-il lors d’un entretien téléphonique. Ces cinq dernières années, je suis allé trois fois au festival Sonar à Barcelone pour me tenir à jour dans ce dossier et j’en ai beaucoup écouté, au point de friser l’overdose ! J’avais besoin de prendre un recul par rapport à cette musique. Évidemment, les positionnements de Mutek et Elektra ont eu une certaine influence sur mes choix de programmation. » Levasseur a eu envie de mettre de côté les stratégies visant à attirer telle ou telle portion des amateurs de musique d’avant-garde pour se concentrer sur les motivations qui le poussent depuis 22 ans à concevoir ce festival de l’éclectisme : « J’avais besoin de me réconforter après la chute de public de l’an dernier, besoin de rencontrer davantage de musiciens qui sont plus près de mon univers personnel. » De nombreux habitués ne s’en plaindront pas.

« On sait déjà, explique Michel Levasseur, que je n’ai pas l’habitude de prédéterminer des thèmes sur lesquels viendrait se coller la programmation. C’est plutôt le contraire qui se passe : la programmation se dessine lentement et de là émerge un ou des thèmes. Cette fois-ci, on peut dire qu’il y a presque une thématique autour des fanfares ou des grands ensembles. » Le concert d’ouverture est d’ailleurs confié au collectif de compositeurs Espaces sonores illimités (Alain Dauphinais, André Hamel et Alain Lalonde), qui feront appel à L’Orkestre des Pas Perdus, à la fanfare Pourpour, et à l’Orchestre de rue de Victoriaville pour un concert dans la grande salle du Colisée des Bois-francs ! Le collectif E.S.I. a aussi conçu le concert d’ouverture de la 11e édition du festival, en 1994, avec l’Ensemble contemporain de Montréal cette fois-là.

Coup d’oeil sur la programmation

Parmi les concerts qui pourraient réjouir particulièrement les amateurs de musique contemporaine, on note d’abord celui de la formation tchèque The Plastic People of the Universe, qui sera accompagnée pour l’occasion du Agon Orchestra, un orchestre dont le répertoire va de Andriessen à Zorn. Cette fois-ci, cependant, ce sont les musiques du collectif qu’interprétera l’orchestre. Au programme : une oeuvre qui fut interprétée pour la première fois en 1978, Passion Play, qui relate les derniers moments de la vie du Christ.

Dans un registre plus intime, le concert solo du contrebassiste italien Stefano Scodanibbio, un musicien pour qui des compositeurs comme Ferneyhough ou Xenakis ont composé des oeuvres, devrait être surprenant. Il interprétera, entre autres, la Sequenza XIV de Luciano Berio (écrite à l’origine pour violoncelle). La harpiste française Hélène Breschand, cofondatrice de l’ensemble Laborintus et habituée des répertoires d’Aperghis et de Berio, proposera quant à elle son duo avec le guitariste électrique Jean-François Pauvros. La prestation solo de l’accordéoniste français Pascal Contet, également spécialisé dans le répertoire de musique contemporaine (mais aussi improvisateur), plaira sans doute aux amateurs qui avaient apprécié le passage de Joseph Petric en 2001. Un autre accordéoniste, le Suédois Lars Hollmer, se joindra à la fanfare Pourpour dans un concert qui risque de nous faire voir de toutes autres couleurs.

Quelques autres ensembles importants sont à signaler du côté du jazz d’avant-garde : William Parker & The Little Huey Creative Music Orchestra (14 musiciens), le Chicago Tentet de Peter Brötzmann et le Sextet d’Anthony Braxton risquent tous trois d’offrir des concerts d’un grand intérêt, durant lesquels l’improvisation et la virtuosité seront certainement de la partie. Du côté des concerts de musique actuelle moins marqués par un genre en particulier, on note le projet du percussionniste Michel F. Côté « Mecha Fixes Clock » accompagné de Jean René (alto), Bernard Falaise (guitare), Diane Labrosse (échantillonneur) Frank Martel (thérémin) et Martin Tétreault (tourne-disque), de même que certains duos, comme celui de Philip Jeck et Janek Schaefer, tous deux explorateurs des possibilités du tourne-disque, comme Kid Koala et Martin Tétreault, ou celui de Ikue Mori (percussions électroniques) et Zeena Parkins (harpe électrique).

Michel Levasseur fera une rare expérience de la délégation de pouvoir en offrant la programmation de presque toute une journée à son invité, le guitariste Thurston Moore (Sonic Youth), qui n’est pas connu pour faire dans la dentelle. Cette journée, le samedi 21 mai, sera donc assez noisy… Mais au FIMAV, c’est justement la grande variété de l’offre qui est garante de la réussite de l’entreprise. Il y a plusieurs façons d’être éclectique, bien entendu, mais il semble que cette fois-ci, encore, Michel Levasseur ait réussi à trouver une formule qui, sur le papier du moins, laisse espérer de grands moments.


(c) La Scena Musicale 2002