Maestra - Rendez-vous international des créatrices en musique Par Réjean Beaucage
/ 9 avril 2005
Les festivals consacrés à la musique des
femmes ne sont pas légion, c'est le moins que l'on puisse dire. Pourtant,
l'histoire étant ce qu'elle est, nous avons un sérieux rattrapage à faire dans
ce domaine. Par ailleurs, il n'est pas nécessaire de chercher bien loin pour
constater que même les créatrices contemporaines ont de la difficulté à obtenir
la visibilité que mériterait leur production.
À Montréal, un organisme comme les Productions Super
Musique (autrefois Productions Super Mémé – voir notre numéro de septembre 2004
pour un article soulignant leur 25e anniversaire) se donne pour mission de
promouvoir la création musicale des femmes et a déjà par le passé organisé
plusieurs événements pour ce faire (Festival international de musiciennes
innovatrices en 1988, Les Muses au musée en 1992-1993, etc.). Aujourd'hui,
l'organisme Maestra se donne le mandat d'organiser chaque année à Montréal un
Rendez-vous international des créatrices en musique, dont la première édition
se tiendra en mai. On peut parler en quelque sorte d'un événement de type
œcuménique, puisqu'il rassemble des créatrices d'allégeances stylistiques bien
diverses : pop, jazz, classique, et leurs dérivés.
France Leblanc, fondatrice et présidente de Maestra,
faisait partie d'un groupe de rock exclusivement féminin dans les années 1980 ;
« Je me suis vite rendue compte, explique-t-elle, que les femmes pouvaient
aisément être reconnues comme interprètes, mais que ce n'était pas la même
chose lorsqu'elles osaient se prétendre créatrices. Après cette
expérience musicale, la vie m'a amenée ailleurs, mais je gardais l'idée de
revenir au monde de la musique en tant que productrice, avec le but de faire
connaître la création des femmes. »
Le manque de visibilité dont sont malheureusement
victimes les créatrices se traduit naturellement par un manque de modèles pour
les jeunes, et c'est ainsi que se perpétue, ad vitam æternam, le
renouvellement du vide. C'est donc dans l'espoir de renverser la vapeur que
France Leblanc s'est entourée d'amies pour lancer Maestra. « C'est arrivé il y
a trois ans. Plusieurs options s'offraient à nous, de l'édition à la
réalisation de disques compacts, mais il m'a semblé que la meilleure façon de
mettre l'emphase sur la visibilité des créatrices serait d'offrir une
vitrine du type "événement international", dont le but serait de faire
connaître la musique des femmes, du Moyen Âge à aujourd'hui. »
Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est un vaste
programme (malgré l'apparente rareté du répertoire ancien). Comment s'est donc
organisée la programmation de ce premier Rendez-vous ? « Il y avait pour nous
un incontournable, explique la fondatrice : lorsque l'on parle de la musique et
de sa transmission, de l'éducation musicale donc, on doit parler des
religieuses, les fondatrices des grandes écoles de musique et les formatrices
de tous nos grands interprètes. Elles ne sont pas seules, bien entendu, mais il
est clair qu'elles ont eu un rôle important, principalement dans le domaine de
la musique classique. C'est pourquoi la soirée de clôture de ce premier
Rendez-vous leur rendra hommage. Nous voulions d'abord leur rendre hommage en
tant que formatrices, mais nos recherches nous ont permis de découvrir qu'elles
avaient aussi beaucoup composé, et des œuvres très valables, que nous aurons
plaisir à faire découvrir. En ce qui concerne l'histoire du jazz des femmes,
c'est après avoir assisté à un concert de Lorraine Desmarais, consacré à
l'histoire du jazz, que j'ai eu l'idée de lui parler de cette idée, qu'elle a
adoptée. De Mary Lou Williams à Carla Bley, il y a de la matière ! »
Une autre soirée, consacrée aux chansons des
Amériques, célébrera la protest song au féminin, telle que produite sur
tout le continent. L'événement s'ouvrira sur un programme particulièrement
destiné au jeune public, mais mettant tout de même de l'avant un répertoire
instrumental puisque l'on mettra l'emphase sur les instrumentistes et
l'improvisation, avec la violoncelliste Jorane et ses invitées. En deuxième
partie de cette soirée d'ouverture, c'est la deejay Mistress Barbara qui
fera danser le public jusqu'aux petites heures du matin sur les rythmes technos
à la mode. « Il est important de souligner que Maestra se veut un événement
inclusif ; il y aura quelques interprètes masculins, et peut-être des paroles
de chansons écrites par des hommes, mais nous voulons vraiment que chacune des
œuvres jouées dans le cadre de l'événement ait été composée par une femme (ou
transmise par des femmes) », conclut France Leblanc.
S'il obtient le succès qu'il mérite, et qu'on lui
souhaite, ce rendez-vous annuel au mandat finalement très large nous réserve
certainement bien des surprises lors de ses éditions futures. À suivre !
* Jeudi 5 mai - Métropolis Maestra Jam, avec Jorane et
ses invitées; Grande messe dansante, avec Mistress Barbara; mise en scène
d'Anne-Marie White.
* Vendredi 6 mai – Spectrum de Montréal Chanson des
Amériques, avec Buffy Sainte-Marie, Chloé Sainte-Marie, France Castel, Ariane
Moffat (à la batterie !); mise en scène de Céline Bonnier et Brigitte
Haentjens, animation de Monique Giroux.
* Samedi 7 mai – Spectrum de Montréal Dames du jazz,
avec Lorraine Desmarais, Joanne Brackeen, Gregory Charles et la chorale Les
voix Boréales; animation et mise en scène de Mimi Blais.
* Dimanche 8 mai – Salle Pierre-Mercure Merci ma sœur
! – avec Alain Lefèvre, Louise Bessette, Lise Daoust, le Quatuor Claudel,
Marie-Danièle Parent, Marie-Josée Simard et Laurence Lambert-Chan; mise en
scène de Suzanne Boisvert, animation Natalie Choquette.
http://www.maestramusique.ca
/ 514 525.1545
|
|