Beethoven vu par... Par Isabelle Picard
/ 9 avril 2005
Talmi / OSQ
Le
dernier concert de l'intégrale des symphonies de Beethoven par l'Orchestre
symphonique de Québec (OSQ) et son chef Yoav Talmi avait lieu le 11 mars
dernier, et c'est une salle pratiquement comble qui s'est levée pour acclamer
les musiciens pendant de nombreuses minutes. Nous avons perdu le compte du
nombre de fois où chef et solistes ont été rappelés sur scène. Il faut dire que
l'ensemble du Printemps Beethoven, festival né d'une collaboration entre l'OSQ
et le Club musical de Québec et qui présentait également l'intégrale des 32
sonates pour piano du compositeur, a eu un très grand succès. Lors du
dévoilement de la saison 2005-2006 de l'orchestre (nous y reviendrons dans le
prochain numéro), le 15 mars, le directeur général de l'OSQ, Michel Létourneau,
confirmait dans un court bilan qu'il s'agissait d'un succès à sa connaissance
sans précédent. En tout, près de 10 000 personnes ont assisté aux concerts,
près de 750 visas (donnant accès à tous les concerts) ont été vendus et les
conférences ont eu lieu à guichet fermé. Le fait le plus marquant, que nous
pouvions facilement observer dans la salle, était peut-être le grand nombre de
jeunes présents. Le prix plus qu'abordable des visas-étudiants n'a certainement
pas nuit.
Il y a une autre chose, que nous pouvions observer,
dans la salle : l'attachement du public de Québec pour son orchestre ainsi que
pour Yoav Talmi. Dès le premier soir, et à chacun des quatre concerts de
l'orchestre, l'enthousiasme était à son comble. Le chef en paraissait même
surpris, ou à tout le moins très ému. Et pourtant, cet enthousiasme n'avait
rien d'étonnant : la générosité des musiciens sur scène ne pouvait qu'appeler
la générosité des applaudissements dans la salle. C'est de mémoire, que Talmi a
dirigé les neuf symphonies. Il en a offert une interprétation d'une grande
intensité, dynamique, évitant les lenteurs romantiques à la Furtwängler. Sa
connaissance intime de ce répertoire était évidente, et il semblait modeler
l'orchestre comme on sculpte dans la glaise. Les musiciens répondaient au
moindre de ses gestes. Ce genre de marathon (les neuf symphonies en deux
semaines) est d'une grande exigence pour le chef comme pour les musiciens et on
peut dire que l'OSQ a démontré une certaine homogénéité de ses forces dans
toutes les sections. Les bois ont été particulièrement mis en valeur par le
répertoire, mais également les cors. Il faut aussi mentionner l'excellent
travail du chœur de l'OSQ dans la Neuvième.
Gielen / SWR Sinfonieorchester
C'est également une interprétation dynamique, claire,
qu'offrent Michael Gielen et l'orchestre symphonique de la Radio SWR dans une
intégrale parue sur DVD (Euroarts 2050607, 2050637 et 2050667). Nulle trace de
sentimentalisme. Les enregistrements, réalisés en concerts en 1997 (symphonies
nº 5 et 6), 1998 (nº 2 et 7), 1999 (nº 9) et 2000 (nº 1, 3, 4 et 8), montrent
un Gielen à la direction sobre et précise... que le responsable du montage a
peut-être trouvée visuellement ennuyante. Quoi qu'il en soit, la succession de
gros plans sur les musiciens est à certains moments presque étourdissante. En
voulant suivre les échanges de la ligne mélodique entre les instruments, on
change parfois de plan à toutes les deux secondes. C'est un peu exagéré et ça
distrait parfois de l'interprétation qui, elle, est admirable de limpidité. Ici
encore, l'orchestre répond au quart de tour aux indications du chef et les bois
font honneur aux nombreux solos écrit pour eux par Beethoven.
Ludwig van Beethoven
Élisabeth Brisson
Fayard/Mirare, 2004, 239 p.
ISBN 2-213-62257-4
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Dans cette collection de livres abordables et aux
formats pratiques, paraissaient récemment deux ouvrages consacrés à Beethoven.
Celui d'Élisabeth Brisson présente un portrait global et précis du compositeur
et de ses principales œuvres. La très grande qualité de ce livre est de démolir
plusieurs mythes qui, à partir d'histoires d'origines douteuses, ont été repris
pendant des années par les historiens comme des faits. Par exemple, l'histoire
selon laquelle Beethoven, furieux d'apprendre que Napoléon Bonaparte se
proclamait empereur, aurait déchiré la page de titre de sa Symphonie héroïque
(qu'il avait l'intention de lui dédier) et l'aurait jetée en s'exclamant : « ce
n'est donc rien de plus qu'un homme ordinaire ! Maintenant il va fouler aux
pieds tous les droits humains, il n'obéira plus qu'à son ambition; il voudra
s'élever au-dessus des autres, il deviendra un tyran ! ». Cette anecdote a été
rapportée 30 ans plus tard par un proche de Beethoven, mais en réalité elle
déforme largement les faits. En tant qu'image par excellence de l'artiste
romantique, Beethoven a les mythes coriaces et ce dépoussiérage fait un grand
bien. Ce livre, exempt d'exemples musicaux, s'adresse à tous. Un petit
reproche, par contre : on n'y trouve ni index alphabétique des œuvres
(seulement un index des personnes), ni liste chronologique.
Beethoven et Vienne
Marc Vignal
Fayard/Mirare, 2004, 152 p.
ISBN 2-213-62258-2
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Marc Vignal présente dans ce livre les rapports de
Beethoven avec la ville de Vienne, où il a vécu la plus grande partie de sa vie
(il y est arrivé à l'âge de 22 ans). On y découvre donc les changements sociaux
importants que vit la période. Par exemple, Beethoven voit la fin des chapelles
princières, qui redonne la liberté aux musiciens, mais les oblige à trouver
d'autres moyen de financer leur art. Le rapport entre les musiciens et le
public est également en pleine mutation, avec le début des concerts publics et
la place grandissante occupée par la bourgeoisie. Vignal fait également état de
la réception des œuvres de Beethoven par la critique de l'époque et égratigne,
lui aussi, bon nombre de mythes au passage. Encore une fois, un livre écrit par
un spécialiste, mais qui n'est pas réservé aux spécialistes.
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