Les ondes Martenot Par Réjean Beaucage & Isabelle Picard
/ 16 mars 2005
Durant la
guerre de 1914-1918, un radio-télégraphiste à l'âme davantage musicienne que
guerrière, Maurice Martenot (1898–1980), est fasciné par les sons très purs
émis par les nouveaux postes à lampes à triodes. Dès lors, le rêve d'en
faire un instrument de musique électronique germe, rêve qu'il s'affairera à
concrétiser une fois la guerre terminée. Dès 1928, une première version de
l'instrument, d'abord baptisé « ondes musicales », voit le jour, et une
incessante succession d'améliorations mènera aux ondes Martenot telles que nous
les connaissons encore aujourd'hui. Le but poursuivi ? Produire un instrument
propre à exprimer la sensibilité humaine.
Possibilités de l'instrument
De tous les instruments électroniques inventés au
début du 20e siècle, les ondes Martenot sont parmi les rares à être toujours
utilisés et à encore inspirer les compositeurs. Les capacités quasi-illimitées
de l'instrument y sont sans doute pour quelque chose. Instrument monodique, le
Martenot est muni d'un clavier dont la mobilité latérale permet un vibrato
contrôlé par l'interprète, et il est doté d'un ruban à bague avec lequel on
peut produire des effets de glissandos. Avec une tessiture s'étendant sur 7
octaves, des possibilités de dynamiques côtoyant les limites de l'oreille
humaine, et la capacité de produire toute la variété des attaques et
articulations imaginables, l'instrument a de quoi stimuler la création. Il faut
ajouter à cela une grande variété de timbres et la possibilité d'obtenir des
micro-intervalles. Plusieurs compositeurs ont écrit pour les ondes, parmi
lesquels Milhaud, Honegger, Jolivet, Tomasi, Murail et Messiaen. Chez les
compositeurs canadiens, mentionnons Gilles Tremblay, Claude Champagne, Denis
Gougeon, Jacques Hétu et Claude Vivier.
Premiers interprètes
Après le triomphe de son premier concert, à l'Opéra de
Paris, en 1928, Maurice Martenot présente lui-même son instrument un peu
partout dans le monde. C'est cependant sa soeur Ginette qui sera la première
grande interprète des ondes musicales, jouant en concert avec plusieurs grands
orchestres, au théâtre, au cinéma et à la radio. Un grand nombre d'oeuvres lui
sont dédiées, comme le Concerto d'André Jolivet. En 1947, les ondes
Martenot font leur entrée au Conservatoire National de Paris. Parmi les
premiers gradués de cette classe se trouve Jeanne Loriod, dont la carrière
comme ondiste sera longue et prestigieuse. Elle prendra la relève de Ginette
Martenot comme soliste de renommée internationale, et succédera à Maurice comme
professeur au Conservatoire (1972).
Au Québec, les pionniers des ondes Martenot sont
principalement Gilles Tremblay, Jean Laurendeau et Suzanne Binet-Audet. En
1970, la première classe d'ondes d'Amérique du Nord est créée au Conservatoire
de musique de Montréal (le titulaire en est Jean Laurendeau),et en 1976,
l'Ensemble d'ondes de Montréal est fondé. Il réunit Jean Laurendeau, Suzanne
Binet-Audet, Marie Bernard, Lucie Filteau et Johanne Goyette.
Pour en savoir plus : Jean Laurendeau, « L'invention
des ondes musicales Martenot », dans La Scena Musicale, vol. 4 nº 2,
novembre 1998. Jean Laurendeau, Maurice Martenot, luthier de l'électronique,
éd. Louise Courteau, Montréal / Dervy-Livres, Croissy-Beaubourg, 1990. IP
En concert
Deux possibilités d'entendre en concert des membres
de l'Ensemble d'Ondes de Montréal s'offriront à nous durant le festival
international Montréal/Nouvelles Musiques. Le 2 mars, 21 h 15, à la salle
Pierre-Mercure, dans un concert présenté par la société Réseaux, Suzanne
Binet-Audet interprétera trois œuvres de l'électroacousticien Gilles Gobeil
pour ondes Martenot et bande. Le 9 mars à 19 h, au même endroit, l'ondiste
Geneviève Grenier se glissera parmi les musiciens de l'ensemble de la Société
de musique contemporaine du Québec pour amplifier l'exotisme du gamelan du
Evergreen Club dans l'œuvre de Walter Boudreau Le matin des magiciens.
www.festivalmnm.ca RB
Au disque
Ensemble d'Ondes de Montréal
Jean
Laurendeau, Estelle Lemire, Suzanne Binet-Audet, Geneviève Grenier, Marie
Bernard ; avec Lise Daoût (flûte) et Serge Provost (piano) Œuvres de Jean
Lesage, Olivier Messiaen, Tristan Murail, Serge Provost, Daniel Toussaint et
Claude Vivier.
SNE (SNE-574-CD), 1992 (62 min 45 s)
Seul témoin discographique de l'existence de cet
ensemble montréalais, cet enregistrement offre les seuls enregistrements des
œuvres Onde, de Toussaint, Les mystères de la clarté, de Lesage
et Les jardins suspendus, de Provost (commande de l'ensemble). On y
trouve aussi une très belle version de Pulau Dewata, de Claude Viver,
pour quintette d'ondes et de rares interprétations d'Oraison (1937) de
Messiean et de Mach 2,5 de Murail. RB
Music for Ondes Martenot
Thomas
Bloch (ondes Martenot), avec divers ensembles et collaborateurs
Œuvres de Bloch, Lindsay Cooper, Bohuslav Martinu,
Messiaen, Michel Redolfi, Etienne Rolin, Olivier Touchard et Bernard Wisson.
Naxos (8.555779), 2004 (73 min 47 s)
Un autre disque qui comprend de nombreux premiers
enregistrements de grande qualité à tous points de vues. On rêve d'entendre Kyriades
(2001), de Wisson (interprétée ici avec le Paderewski Philharmonic Orchestra
sous la direction de Fernand Quattrocchi et le compositeur au piano), dans une
salle près de chez nous ; succès garanti ! Le soliste, virtuose de
l'instrument, qu'il enseigne au Conservatoire de Strasbourg, mais aussi de
l'harmonica de verre et de l'étrange cristal Baschet, offre une époustouflante
démonstration des vastes possibilités des ondes Martenot. RB
Le cousin Russe
Souvent associé aux ondes Martenot à cause de la
parenté sonore qui existe entre les deux instruments et parce qu'ils sont tous
deux des ancêtres, encore en usage, de nos synthétiseurs modernes, le thérémin
est le seul instrument de musique dont on joue... sans le toucher ! Inventé en
1917 par l'ingénieur (et violoncelliste) Lev Sergeivitch Termen (francisé en
Léon Thérémin), l'instrument (aussi appelé à l'époque les « ondes éthérées »)
est contrôlé en approchant ou en éloignant les mains de deux antennes qui
émettent un champ électromagnétique commandant la hauteur des sons et leur
intensité. L'instrument parvient à imiter la voix humaine d'une manière qui
peut être assez convaincante. Son fonctionnement rendant les attaques presque
impossibles, les mélodies qu'il produit sont faites de sons soutenus, comme
dans un souffle.
Le jeudi 31 mars, 20 h, Peter Pringle, ex-chanteur de
charme devenu spécialiste du thérémin, offrira une démonstration des
possibilités de l'instrument lors d'un concert de l'Orchestre de chambre de
Montréal. Le programme comprendra des extraits d'opéras célèbres. À la salle
Pollack de l'Université McGill, à Montréal (entrée libre). www.mco-ocm.qc.ca /
514 871.1224 RB
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