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La Scena Musicale - Vol. 10, No. 6

En périphérie ... de MNM

by Réjean Beaucage / March 16, 2005


Le festival Montréal/Nouvelles Musiques est de retour ce mois-ci pour une deuxième édition qui place « la France à l'honneur » grâce à un partenariat solide avec le festival Présences, organisé par Radio France et qui s'est tenu cette année du 29 janvier au 13 février à Paris. J'ai eu le plaisir d'assister, à l'invitation du consulat français, à la dernière semaine de concerts dans la très belle salle Olivier Messiaen de la Maison de Radio France.

Plusieurs œuvres de compositeurs canadiens ont pu être entendues lors du festival. Je pense à celles de Jean Lesage ou Denys Bouliane, malheureusement manquées, et je me souviens avec plaisir de celle de Petar Klanac, Alexina Louie et John Rea, mais c'est sans chauvinisme aucun que l'on peut assurer que l'œuvre la plus surprenante entendue durant les six concerts donnés du 8 au 13 février a été celle de Walter Boudreau Le Voyage, entendue en première mondiale et dont aucun projet de reprise chez nous n'est encore annoncé. Si d'autres critiques ont parlé d'une œuvre ratée, qui a laissé, il est vrai, le public pantois, je préfère y voir un coup d'éclat dans la lignée de ceux que connurent aussi à Paris en leur temps Stravinski et Varèse, l'émeute en moins.

Interprétée par la soixantaine de voix du Chœur de Radio France et l'Orchestre Philharmonique de Radio France, doté pour l'occasion de... 10 percussionnistes (!) ne laissant pas un centimètre carré de la scène inoccupé, le moins que l'on puisse dire est que l'œuvre de Boudreau a fait du bruit dans la petite salle Olivier Messiaen (1000 places). Cette version orchestrale de 45 minutes de sa grande œuvre radiophonique Golgot(h)a (récipiendaire, en mars 1991, à Paris, du Grand Prix Paul Gilson de la Communauté des radios de langue française) a certainement souffert d'une balance de son qui penchait terriblement du côté des percussions, où le métal florissait. Cependant, doit-on se surprendre que l'homme qui a imaginé la Symphonie du millénaire, le directeur artistique qui peut programmer les 15 Klavierstücke de Stockhausen dans la même soirée, bref, Walter Boudreau, ait péché par excès ? Bien sûr que non. Le compositeur a dirigé assez d'ensembles dans sa vie pour savoir à quoi il devait s'attendre. Si son inspiration l'attire souvent vers l'immensité des étoiles, il n'est pas étonnant qu'avec un sujet comme la Passion du Christ il ait choisi de faire saigner la musique. Le volume sonore déployé était tel qu'un médecin a assisté à la répétition générale à la demande des musiciens... On a hâte d'entendre l'enregistrement, forcément mieux balancé, de cette œuvre apocalyptique.

C'est au tour des compositeurs français de nous rendre visite pour MNM. Il seront nombreux à Montréal pour faire découvrir au public leur musique lors de classes de maître et, bien sûr, en concert. Trois disques parus récemment vous permettent de faire connaissance avec eux ou de prolonger le plaisir de la découverte.

Marc-André Dalbavie

Ensemble Intercontemporain / Pierre Boulez

Accord, coll. Compositeurs d'aujourd'hui LC 00280 (67 min 37 s)

Le compositeur Marc-André Dalbavie était au centre de la programmation du festival Présences cette année, avec trois concerts monographiques et un total de 19 œuvres entendues en deux semaines. Né en 1961, ses études l'ont mis en contact avec une impressionnante succession de compositeurs (Philippot, Jolas, Ballif, Reibel, Constant, Murail et Boulez). Dans le sillage de celle de l'école spectrale, sa musique a assimilé le langage électroacoustique dont il transpose les trouvailles dans des œuvres pour ensembles acoustiques (éventuellement assistés par la machine). Son écriture est extrêmement séduisante et efficace, une véritable fête pour l'oreille, mais elle tire avantage à être goûtée à petite dose, l'utilisation trop fréquente des mêmes processus pouvant devenir lassante. Cela dit, cet enregistrement de l'Ensemble Intercontemporain, brillamment mené par son fondateur, est en tous points exquis. Sa Sinfonietta, créée à Présences, sera reprise le 10 mars durant MNM par l'Orchestre symphonique de Montréal sous la direction de Pierre-André Valade.

Philippe Hurel

Ensemble Intercontemporain / Ed Spanjaard
Accord, coll. Compositeurs d'aujourd'hui AD 750 (58 min 55 s)

Tout juste plus âgé que Dalbavie, Hurel a aussi étudié l'analyse avec Betsy Jolas et les rapports entre composition et informatique avec Tristan Murail en plus de fréquenter l'IRCAM durant les mêmes années. Aussi tributaire de l'école spectrale que celle de son collègue, sa musique a ses particularités propres, notamment un goût marqué pour le contrepoint, qui se traduit par une musique qui se développe par processus, comme la spectrale, mais qui intègre aussi des variations. Dans l'ensemble, cette technique apparemment contradictoire offre à l'auditeur un espace de réflexion moins contraint. Une seule pièce ici, Leçon de choses, utilise l'électronique, mais d'une façon beaucoup plus marquée que chez Dalbavie et, certainement, très réussie. Sa pièce ...à mesure sera interprétée par l'ensemble Court-Circuit, dont il est directeur artistique, le 6 mars dans le cadre de MNM.


Martin Matalon : ... de tiempo y de arena ...

Trio Nobis; Ensemble Ictus / G.-E. Octors; Ensemble Court-Circuit / P.-A. Valade; Octuor de violoncelle de Beauvais; Dimitri Vassilakis, piano

Accord 476 070-2 (59 min 6 s)

La compositeur Argentin Martin Matalon vit à Paris depuis 1993 et sa musique, si elle suit dans le temps celle de l'école spectrale française et partage avec elle un amour sans réserve pour la vie de sons, s'en différencie pourtant par son exubérance. Avec lui, la musique est un véritable jardin où règne, dans un incessant ballet de couleurs changeantes et malgré une apparence d'ordre à l'échelle macroscopique, un grouillement de vies individuelles qui se croisent au hasard sans jamais se heurter et dont l'extrême agitation confine au chaos. Usant des timbres comme Jackson Pollock des couleurs, et n'hésitant pas à les décupler par l'usage de l'électronique, Matalon compose une musique qui resplendit de spontanéité sans jamais faire ombrage à la précision des musiciens.

On trouve ici l'enregistrement, par l'ensemble Ictus et Georges-Elie Octors, de Las siete vidas de un gato (Les sept vies d'un chat -- 1996), musique composée pour accompagner la diffusion du film surréaliste de Luis Buñuel et Salvador Dali Un Chien andalou (1928). L'œuvre, pour musiciens et électronique, sera interprétée par le McGill Contemporary Music Ensemble sous la direction de Denys Bouliane, avec projection du film, le 3 mars dans le cadre de MNM.

À suivre

La partenariat à l'œuvre entre les festival Présences et Montréal/ Nouvelles Musiques pourrait nous réserver une surprise de grande taille. En effet, en raison de rénovations majeures à la Maison de Radio France en 2008, le festival Présences sera itinérant et cherchera une terre d'accueil ! Montréal ne sera sans doute pas le seul endroit envisagé, mais puisque 2008 marquera le 400e anniversaire de la présence française au Québec...


(c) La Scena Musicale