Les salons de musique : un statut distinct au Québec Par Laurier Rajotte
/ 15 février 2005
En
été 2002, la loi 106 a été amendée. De juridiction provinciale québécoise,
cette loi concerne le zonage municipal et ce changement pourrait intéresser
plusieurs musiciens et amateurs de musique. À ce sujet, nous pouvions lire dans
le Bulletin d'informations du ministère des Affaires municipales et de la
Métropole (BIMAMM) -- aujourd'hui devenu le
ministère des Affaires municipales, du Sport et du Loisir -- que l'article 21
donne, sous forme d'« usage conditionnel » un nouveau pouvoir aux
municipalités. Dans le jargon administratif, cela signifie que la municipalité
a maintenant le pouvoir d'émettre un permis changeant un zonage pour un autre.
Le BIMAMM précise que : « ce nouveau pouvoir pourrait faire en sorte que soient
permis, à certaines conditions, des usages tels que (...) établissement
culturel (lieu de concert) dans une zone où seul l'usage habitation
unifamiliale est autorisé de plein droit ». En d'autres termes, une
municipalité peut zoner « culturelle » une simple résidence. Après l'immense
rôle qu'il a joué dans l'univers musical, le salon de musique est maintenant
légal.
Aspects positifs pour le milieu musical
Un permis accordé aux salons de musique offre
plusieurs avantages, le premier étant le simple droit d'exister. Il est vrai
que de façon indépendante, un petit nombre de salons existent déjà sans permis
(on en compterait 2000 en Amérique du Nord), mais lorsqu'on est marginalisé par
la loi, il est impossible de projeter une vision à long terme sans crainte de
voir son projet avorté. Par ce changement, le salon de musique, qu'il soit de
style classique, jazz, actuel, salon de poésie, de conte ou toutes autres
formules artistiques pouvant s'épanouir dans un tel espace, a le droit
d'exister en tant qu'entreprise, à but lucratif ou non, et de jouir de la
fiscalité réservée à ce statut.
Pour un regroupement des salons de
musique
Depuis un certain temps, des bruits courent à propos
d'un regroupement des salons de musique. En amont de ce courant, j'ai trouvé
deux personnes : Lorraine Desjardins et Oliver Esmonde-White. Installé dans une
superbe maison de Laval, le couple Desjardins-White a organisé plusieurs
concerts dans son propre salon en invitant des artistes tels que Marc-André
Hamelin, François Bourassa et Anton Kuerti. M. White est l'un des
techniciens-accordeurs les plus recherchés au Québec et sa passion pour les
pianos remonte à bien loin. Même s'il est très heureux des changements apportés
à la loi 106, il souhaite encore plus pour l'avenir des salons de musique.
Lorsqu'on lui demande d'où vient cette idée de regroupement, il répond que si
l'on veut tenir un salon de musique de façon professionnelle, dépassant le
simple « hobby », il faut se regrouper pour des raisons économiques :
publicité, gestion, pouvoir d'achat, recherche de fonds, partage des frais d'un
employé, d'un site Web, etc. En parlant de la genèse du projet de regroupement,
M. White explique : « À force d'organiser des concerts dans ma maison, j'ai vu
la possibilité de le faire plus souvent et de possiblement en faire un
commerce... ne serait-ce que pour ne plus y perdre d'argent ! ». Des études ont
ensuite été faites afin d'élaborer une structure au regroupement.
Fondation-Association-Salons
Afin de répondre au besoin d'un regroupement des
salons de musique, le groupe Daniel Arbour & associés a proposé une
organisation en trois paliers : fondation, association et salons. La fondation
serait essentiellement une banque responsable de ramasser de l'argent et de le
gérer pour payer les cachets des artistes. Quant à elle, l'association
assurerait que l'argent soit distribué aux artistes, que les salons respectent
un code (respects des artistes, des auditeurs, sécurité...) et que la promotion
des concerts soit faite. Finalement, les propriétaires des salons seraient
libres et responsables de leur propre événement. Pour une rare fois dans le
milieu artistique, les fonds d'une fondation ne serviraient qu'à l'art et à ses
artisans. Ce projet suscite chez les jeunes interprètes l'espoir qu'il y ait
enfin une alternative aux traditionnels concours de musique, mais cela dépend
de la direction que choisira de prendre le regroupement...
Créer une fondation
Une fondation a besoin d'un coup de pouce pour
démarrer. Le Parti québécois a instauré ce mouvement de regroupement des salons
de musique en 2002 et le Parti libéral semble très favorable à poursuivre le
projet. Bien sûr, les fonds privés sont également nécessaires. Voilà tout à
fait le genre de projet susceptible d'intéresser des compagnies qui aiment les
arts et qui souhaitent les encourager. La fondation permettrait à une compagnie
d'afficher sa vision sociale et de bénéficier d'une bonne notoriété dans la
communauté.
Qui peut tenir un salon ?
Si l'on veut tenir un salon de musique, il faut
d'abord un espace d'accueil. Mais lorsqu'on demande à Oliver White à qui le
projet de regroupement s'adresse, il répond sans hésitation : « À tous ceux qui
aiment les arts. Plusieurs personnes aimeraient partager leur amour des arts
avec un public, mais ils ne savent pas comment le faire. » Avis à ceux qui
n'ont pas la patience d'attendre l'appel des institutions... Pour les gens qui
souhaitent prendre part au regroupement, sachez d'abord que le permis n'est
pour l'instant disponible qu'au Québec. Deux volets seraient disponibles, celui
concernant les semi-professionnels qui ne désirent pas tenir un salon à temps
plein et l'autre, pour les professionnels qui voudraient en faire un commerce.
Pour tout savoir sur les étapes à suivre, Oliver Esmonde-White se fera un
plaisir de partager son savoir et de vous aider à établir un plan d'affaire. Il
donne son adresse pour le joindre : oliverew@canada.com
Un mouvement qui pourrait aller loin
Lorsque les études sur la structure d'un regroupement
des salons de musique ont été faites, on n'avait aucun modèle sur lequel
s'appuyer. Tout porte à croire que ce mouvement est une première mondiale ! M.
White affirme : « Je ne vois aucune raison de ne pas croire que ce projet
pourrait avoir la même envergure que le réseau des Gîtes du passant. Ça a
commencé dans un petit coin d'Angleterre et aujourd'hui, c'est mondial ! »
Voilà une façon d'encourager la culture locale dans un contexte international.
Un fort regroupement des salons de musique permettrait aux communautés
culturelles de conserver et de partager leurs particularités. Cela demeure un
excellent moyen de passer d'un art qui semble parfois folklorique à un art
vivant. laurajotte@yahoo.fr
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