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La Scena Musicale - Vol. 10, No. 5

Musique française

Par Réjean Beaucage / 15 février 2005


Le festival MNM 2005 offre une excellente occasion de mesurer les développements de la musique française au xxe siècle et après. Il suffit d'évoquer Satie, Debussy ou Ravel, Poulenc ou Milhaud, pour que jaillissent certains qualificatifs habituellement associés à la musique française. Une musique qui peut être légère et diaphane, et qui ne cache pas sa joie, voire son humour. Il ne faut pas, bien sûr, généraliser, et aucun des catalogues des compositeurs précités ne peut se réduire à ces quelques qualificatifs. Et puis, après tout, MNM ne retourne pas si loin ; jetons plutôt un coup d'œil au parcours proposé.

Grosso modo, on peut regrouper les compositeurs français qui seront entendus dans le cadre de MNM en trois familles. Il y a les « grands anciens » : Olivier Messiaen (1908-1992)1, Henri Dutilleux (1916) et Pierre Boulez (1925). Le premier a développé à travers une production abondante son langage propre, que ses dons de pédagogue ont contribué à rendre universel. Gilles Cantagrel écrivait à son propos, dans le Guide de la Musique d'Orgue (Fayard, 1991) : « L'affirmation de sa foi catholique, les coloris modaux, harmoniques et instrumentaux de ses œuvres, ses élaborations rythmiques, les innombrables références aux chants d'oiseaux ont contribué à forger de bonne heure la permanence d'un langage très personnel et immédiatement reconnaissable, à l'orgue comme dans tous les autres domaines, opéra compris (Saint François d'Assise, 1983). » Le deuxième, Henri Dutilleux, disait de lui-même : « Je suis un cartésien épris d'irrationnel ». Un amalgame qui se traduit par une écriture rigoureuse contaminée par la poésie. Le troisième est probablement le compositeur français vivant le plus célèbre. Chef d'orchestre célébré et chef de file naturel, il a été la figure de proue de la musique sérielle développée sur les bases de l'héritage de la seconde École de Vienne (Arnold Schönberg, Alban Berg, Anton Webern) au milieu du siècle.

La deuxième catégorie regroupe les « concrets » Bernard Parmegiani (1927) et François Bayle (1932). Inventée en 1948 par Pierre Schaeffer, la musique concrète, mêlée à la musique électronique allemande (Karlheinz Stockhausen) deviendra ce que l'on appelle aujourd'hui la musique életroacoustique (ou acousmatique). Les deux représentants de ce large pan de la musique contemporaine qui viendront à Montréal comptent parmi les plus importants. L'apport de l'électricité sera évidemment déterminant pour la suite de l'histoire.

La troisième catégorie pose différents problèmes qui rendent difficile la classification générale des compositeurs qui s'y retrouvent... Appelons la donc « divers »... La musique de René Koering (1940), qui est pourtant l'auteur de quatre opéras, trois quatuors à cordes, un concerto pour violon et une quinzaine d'œuvres orchestrales, sera une véritable découverte pour l'auteur de ces lignes. Une de plus. Gérard Grisey (1946) est l'un des représentants de l'école spectrale, très axée sur la recherche d'effets timbraux et qui se développe en continuité avec les recherches en informatique musicale.

Pascal Dusapin (1955) est inclassable, ce qui sied parfaitement à un compositeur qui a suivi, de 1974 à 1978, les cours d'esthétique de Iannis Xenakis (et toujours à titre d'étudiant libre !). On pourrait appliquer à Xenakis ses propres paroles sur celui qu'il a reconnu comme son « seul élève » : « J'aime Pascal Dusapin parce qu'il est fier, curieux, indépendant et organisé dans sa pensée. »

Philippe Hurel (1955), Martin Matalon (1958), Philippe Leroux (1959) et Marc-André Dalbavie (1961), en poussant plus loin ou en pervertissant la musique spectrale des Gérard Grisey et Tristan Murail, ont contribué à développer la musique post-spectrale.

Quant à Yan Maresz (1966), Benjamin de la Fuente (1969) et Mauro Lanza (1975), ils sont de ces compositeurs pour qui le courant électrique est un instrument comme les autres. Ils poursuivent l'exploration entreprise par leurs prédécesseurs et nous réservent très certainement de belles découvertes.

1. Prenez note que notre collaboratrice Isabelle Picard prépare un portrait d'Olivier Messiaen qui vous sera présenté dans notre prochaine édition.


(c) La Scena Musicale 2002