Les Big Bands, manière française Par Marc Chénard
/ 2 novembre 2004
O.N.J. : La fête de l'eau Dir. Claude Barthélémy Le chant du monde, CDM 053 ****
Caratini Jazz Ensemble : From the Ground
Le chant du monde,
CDM054 ****
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O.N.J. : La fête de
l'eau |
Deux parutions consécutives sur une même étiquette
mettant en vedette le travail de deux compositeurs chevronnés pour deux grands
ensembles français, voilà de quoi faire une chronique comparative. Tout d'abord,
L'ONJ (Orchestre National de Jazz), est cette formation étatique mise sur pied
durant le règne socialiste de sieur Mitterand. Après six directeurs, voici que,
à l'orée de ses 20 ans, cet appareil retombe dans les mains d'un ancien chef, le
guitariste Claude Barthélémy. Dans les mois suivant son retour en 2003, un
premier disque voit le jour. En voici la suite, tout beau, tout chaud. Lors de
son passage au Canada l'été dernier, cette troupe nous a présenté des pièces de
ses deux enregistrements. Guitariste de jazz, mais ancré également dans le rock
et d'autres musiques populaires, Barthélémy étale toutes ses influences ici, si
bien qu'il nous offre un vrai salmigondis musical, savamment préparé et
brillamment servi par sa formation de 14 musiciens. Au gré des 15 plages qui se
suivent en un peu moins d'une heure, on passe du rock au blues, avec un peu de
rap, des couleurs d'Orient (avec un morceau mettant en vedette l'oud), un
standard jazz habilement trafiqué (« Giant Steps ») et j'en passe. Même si la
multiplicité des influences a un certain relent racoleur, les arrangements sont
très fouillés, de manière à éviter qu'une pièce ne se cantonne trop longtemps
dans un style précis. À noter aussi, la formation orchestrale comportant deux
guitares, vibraphone, accordéon, deux saxophones, trois trombones, deux
trompettes, basse et batterie, déroge, fort heureusement, de la formule
traditionnelle du big band jazz.
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Caratini Jazz
Ensemble : From the
Ground |
De son côté, Patrice Caratini propose un projet
orchestral d'envergure, dont les références musicales sont fort différentes de
celles de son compatriote guitariste. Ici, on ne lorgne pas du côté pop. On est
plus près du registre classique, et plus particulièrement de cet hybride d'antan
qu'on nommait le « Third Stream Jazz ». Ce mariage pas très heureux entre les
deux domaines n'avait pas eu beaucoup de succès au cours des années soixante, vu
les divergences assez marquées à l'époque entre les interprètes de ces genres.
De nos jours cependant, les rapports se sont considérablement améliorés, et les
jazzmen formés dans les institutions peuvent aussi bien négocier des partitions
fouillées que se lancer à corps perdu dans des solos endiablés. Divisé en cinq
petites suites, cet enregistrement est l'une des tentatives les plus réussies en
ce sens. En effet, le compositeur présente une vision personnelle qui ne résulte
pas du pillage des styles mais bien de l'imagination de son auteur. Entre autres
exemples, sa Petite suite pour Django en trois mouvements évite
scrupuleusement toute citation stylistique du grand guitariste manouche; en
revanche, la suite Antilles est la plus référentielle de toutes, mais les
orchestrations sont riches à souhait, sans oublier le solo surprise de banjo
dans le second mouvement. La formation de 15 musiciens qui constitue l'«
Orchestre Imaginaire Ensemble Instrumental de Moselle » (ouf !) est de grande
qualité, la somme étant tout aussi convaincante que ses parties individuelles.
Deux grands ensembles avec des visions différentes : à vous de découvrir... et
de choisir !
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