Palais Montcalm Par Isabelle Picard
/ 4 octobre 2004
Le Palais Montcalm, à Québec, subit
présentement des travaux majeurs et redéfinit sa vocation pour devenir la Maison
de la musique et le lieu de résidence des Violons du Roy. Depuis 1932, la
salle Raoul-Jobin du Palais Montcalm était une salle polyvalente qui accueillait
la musique classique, la musique populaire amplifiée, des spectacles de variété,
d'humour, etc. Des travaux avaient été entrepris en 1991 pour tenter de pallier
à certains problèmes de la salle tout en maintenant cette polyvalence, mais
comme l'explique l'architecte à la Ville de Québec Alfred Martel, « après des
analyses de marché, les conclusions ont indiqué que le Palais Montcalm devait se
définir plus précisément, avoir un créneau très pointu. En même temps, les
Violons du Roy étaient présents au Palais Montcalm, donc ça s'est défini presque
de soit, que ça devait être la résidence des Violons du Roy et la Maison de la
musique. » Ce sera la seule salle entièrement vouée à la musique à Québec « et
nous voulons que ce soit la meilleure non seulement à Québec, mais au Québec.
Déjà, c'est un grand objectif ! »
Les travaux, qui ont débuté à la mi-août, sont
d'une ampleur considérable : « dans le fond, les travaux que nous faisons, c'est
la démolition de la salle et la construction d'une salle complètement neuve ».
La façade est évidemment conservée. Au moment d'écrire cet article, les murs et
le toit étaient démolis, et on allait commencer à creuser, dans le roc, pour
abaisser le plancher et agrandir la scène. « Dans les critères des acousticiens,
la hauteur (le volume acoustique) est très importante. Ils nous parlaient de 17
mètres. Nous avions prévu d'élever le toit de 3 mètres, pour atteindre les 17
mètres, sauf que ça augmentait les coûts. L'autre option, le concept que nous
avons adopté, est de descendre la salle. Au lieu de remonter le toit, nous
descendons le plancher. On se retrouvera avec un parterre au niveau de l'entrée,
alors qu'avant il fallait monter un escalier. »
Les principaux problèmes de la salle d'origine
étaient un volume sonore restreint, les ombres acoustiques causées par l'immense
balcon et la coupure entre la salle et la scène créée par le cadre et le rideau
de scène. En plus de l'augmentation de la hauteur, la superficie de la salle
sera doublée, ce qui implique un déplacement du mur arrière vers la rue
Dauphine. Il n'y aura plus de cadre de scène, ce qui veut donc dire que l'espace
regroupant la salle et la scène ne feront plus qu'un, permettant ainsi une
qualité sonore optimale et une meilleure interaction entre musiciens et
spectateurs. Les balcons seront dorénavant sur deux niveaux et n'affecteront pas
la qualité sonore. L'un d'eux se prolongera à l'arrière-scène, permettant à
certains spectateurs une vision différente tout en créant une ambiance plus
entourée pour les musiciens.
Comme le Palais Montcalm est en plein centre-ville,
entouré de rues, un des défis les plus importants pour les professionnels du
projet est l'insonorisation: « les autobus passent sur la rue Dauphine à 3 ou 4
mètres de la scène ! Il faut qu'il y ait des doubles-murs... une sorte
d'indépendence entre le mur extérieur et le mur intérieur. » Cet aspect est
d'autant plus crucial que l'enregistrement est un volet important du projet. On
veut que la salle puisse servir de studio d'enregistrement de disques ou de
musique de film. « Je ne dirais pas que c'est l'élément principal, mais ce n'est
pas secondaire non plus, c'est vraiment très important. Les Violons du Roy
enregistrent la plupart du temps avec Dorian, et je sais qu'ils sont allés
souvent au Domaine Forget. Là, ils pourraient s'installer dans la salle du
Palais Montcalm, ils seraient chez-eux, avec leurs bureaux. Des professionnels
de l'enregistrement nous ont dit qu'il n'y a pas d'autre endroit où on pourrait
avoir ce niveau dans toute la province. »
La comparaison avec la salle Françoys-Bernier du
Domaine Forget n'est pas fortuite. Le chef acousticien de la firme Jaffe Holden,
un des spécialistes en charge du projet, est celui qui avait supervisé les
travaux de la réputée salle du Domaine Forget. C'est la qualité visée, en mieux
si possible : « Au niveau acoustique, disons que nous allons avoir au moins
l'équivalent. Mais nous allons avoir une ambiance un peu plus chaleureuse. Nous
nous retrouverons avec des revêtements de bois, dont les couleurs seront dans
les teintes des instruments à cordes. Ce sera une ambiance plus enveloppante
aussi par la forme, qui sera légèrement ovoïde. » Une salle qui, selon certains
membres du jury du concours de 2002, pourrait bien être de calibre
international.
Les gens de différents groupes musicaux de la ville
ont été consultés. Il y a eu une rencontre récente avec entre autres l'Orchestre
symphonique, le Conser-vatoire, les Rhapsodes... pour avoir un éventail
d'opinions. « Si nous pouvons satisfaire une plus grande clientèle, dans le
domaine de la musique classique, tant mieux. » Mais la salle aura son propre
créneau et n'entrera pas en compétion avec le Grand Théâtre. Elle ne pourrait
pas convenir, par exemple, à une symphonie de Mahler avec plusieurs centaines de
musiciens et choristes, ni à l'opéra, car il n'y aura pas de porteuse de
décors.
Le concert d'ouverture est prévu pour le 20
décembre 2005, mais il y aura des travaux d'ajustements et de finition jusqu'en
avril 2006. Au total, le projet aura coûté 20 millions de dollars (8 millions de
la Ville de Québec et 12 millions du gouvernement provincial), dont 3 millions
sont prévus pour l'achat d'instruments (entre autres : piano, clavecin, timbales
baroques, orgue...). Une somme qui est vue comme un investissement : une salle
d'une qualité exceptionnelle, un studio d'enregistrement de première classe, la
présence assurée des Violons du Roy et de Bernard Labadie... une belle carte de
visite pour la capitale.
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