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Les archives de Sr Lucille BrassardAutomne 2001 Je vous l’avoue, j’ai un penchant pour ce grand compositeur qui est la musique même. Dans son oeuvre on retrouve tout: l’expression, l’imagination, la poésie, le drame, la tragédie, tout cela obtenu par les moyens les plus simples. De plus, Mozart, comme tous les grands créateurs, est un autobiographe. Le coeur de Mozart s’est exprimé à travers toute sa musique. N.D.L.R. Dans le dernier numéro de La Muse Affiliée (avril 2001), Sr Lucille nous traçait un portrait du compositeur. Elle s’attarde cette fois-ci sur des oeuvres ciblées de Mozart. (suite au prochain numéro) Fantaisie en ré mineur K. 397 Cette fantaisie est l’une des nombreuses improvisations qu’a réalisées le compositeur mais une des rares qu’il ait consenti à écrire. L’andante débute par un prélude à la Bach, sans thème, qui s’arrête sur la dominante du ton, qui prépare un adagio très expressif et plaintif qui cesse de chanter pour prendre une allure de récitatif. Une ritournelle suit, brusquement interrompue. Après la cadence, presto, on assiste au retour du thème en ré de plus en plus expressif. Une cadence à la dominante amène un Rondo en majeur, allegretto, enjoué mais peu en rapport avec ce qui précède. Il s’achève brillamment. Voici, condensée en quatre pages, une oeuvre de très grande variété d’expression. Fantaisie en do mineur K. 475 C omposée en 1785, cette introduction à la Sonate K. 457 reste une oeuvre de rares liberté et nouveauté de conception. Dans sa simple structure pianistique, elle a une plénitude grandiose, des harmonies riches et audacieuses, des modulations à des tons très éloignés. Je dirais que c’est un Mozart inhabituel, pré-beethovenien, avec un sens dramatique tout personnel, des moments tragiques, mais pour conserver sa couleur mozartienne, on y trouve quand même un sentiment de grâce. L’ adagio, sombre et méditatif, débute par un grand et puissant unisson, auquel répond, comme des soupirs, un dessin chromatique marquant l’opposition des nuances, plutôt l’opposition de l’élément mâle et dominateur opposé à un élément suppliant et tendre, personnifiant l’élément féminin. L’ allegro impétueux représente Dom Juan. Une plainte en fa majeur succède à ce violent remous et cette plainte est emportée par un coup de vent (la cadence). L’ andantino qui suit, tendre, vraiment mozartien, est mélodieux, avec un retour du mouvement et du thème initial. Une énergique conclusion termine l’oeuvre avec brio.
Sonate en do mineur K.
457 Cette sonate devient un témoignage aussi démonstratif que la lettre la plus enflammée d’un poète romantique, beethovenien avant Beethoven. Dès le début du premier allegro, on note l’opposition résultant d’un unisson forte suivie d’une courte réponsepiano, le tout s’accompagnant d’un passage chromatique sur une pédale de dominante. Un sentiment d’agitation inquiète inspirera ce premier morceau et au plus haut degré lefinale de cette sonate. Le développement, débutant par le retour du thème initial en majeur. Suit une seconde idée mélodique de courte durée puis des alternances modulées du thème initial entre la main droite et la main gauche. Tout cela donne une impression de hâte et d’inquiétude. La récapitulation est d’abord pareille mais dès la seconde apparition du thème, une imitation concentrée en deux mesures mène à une phrase nouvelle, en la bémol, d’une expression passionnée. La cadence fait preuve d’une agitation pathétique avant de se déverser dans unecoda magnifique. Adagio Après une telle agitation, l’âme doit se recueillir. Trois expositions d’un même sujet, tendre et noble côtoient une deuxième idée en si bémol. Un nouveau thème, quasi religieux, en la bémol, repris en sol bémol, est suivi d’une montée expressive de la phrase qui donne lieu à des modulations nouvelles où l’on peut dire que l’expression atteint son maximum. La fréquence des modulations, des cadences, l’ornementation des thèmes, suggèrent l’idée du concerto. Allegro assai Le thème syncopé a une expression haletante est suivi d’un refrain martelé, coupé par de longues pauses autorisant probablement à chaque point d’orgue, de nouvelles cadences libres. Entre chaque point d’orgue, retentit le refrain implacable. Ce morceau est passionné et même désespéré. Dans le ton de mi bémol, surgit alors un sujet nouveau interrogatif et tendre, mais qui ne peut durer au milieu de ces déchaînements. Le refrain est toujours interrompu par de pathétiques silences. Cette sonate extraordinaire semble ne pas avoir de rapport avec ses devancières, pas plus qu’avec celles qui naîtront après. Sonate K. 545 Le thème chantant de l’ allegro est suivi d’une ritournelle évidemment destinée à former l’élève à l’étude des gammes. Le second sujet dans le ton de la dominante est suivi d’arpèges en mouvements contraires, ainsi qu’une cadence et ritournelle finale. Le développement débute en sol mineur. Des gammes montantes sont réservées à la main droite et des gammes descendantes à la main gauche. Le retour en fa majeur a quelque chose d’absolument imprévu. Un emploi constant de la basse d’Alberti se manifeste dans l’andante en sol majeur, où une longue phrase chantante se déroule à la main droite et donne lieu à une double exposition, la seconde variée. Plus tard, le thème est exposé en mineur, ce qui donne lieu à une fort belle extension, très expressive, de la phrase chantante du début. Le thème du rondo,allegretto, est en imitations entre les deux mains du pianiste, composé sur un thème unique, module à la dominante puis en la mineur avec l’emploi expressif du si bémol Rondo en ré majeur K. 485 Ce morceau ne répond en rien à l’idée que nous nous faisons d’un rondo. Il est construit à la manière d’un morceau de sonate, construit sur un seul sujet. Dans le développement et surtout dans la reprise du morceau, Mozart fait passer son thème par les modulations les plus variées et les plus surprenantes. Sonate en Ré majeur K. 284 Cette sonate offre une importance capitale au point de vue de l’évolution du style de Mozart car elle marque le triomphe de la «galanterie «dans son oeuvre. À Munich, Mozart a vivement subi l’influence du style des musiciens français Edelmann et Hullmandel en particulier. Sous cette influence s’est accomplie sa conversion définitive à la «galanterie «mais également par la lecture d’oeuvres françaises de la bibliothèque du baron Durnitz. Le premier mouvement pourrait être comparé aux premiersallegros des sonates précédentes mais ni l’andante ni lefinale n’ont plus rien de commun avec tout ce que nous avons rencontré jusqu’ici. Il montre un éclat extérieur et une recherche d’ornementation nous montrant un Mozart écrivant pour le pianoforte au lieu du clavecin. Deux sujets de longueur à peu près égale, un emploi fréquent des basses d’Alberti, des chromatismes incessants, entremêlés de modulations hardies. Plus frappantes encore est la nouveauté du développement où Mozart au lieu d’élaborer les idées précédentes nous offre une fantaisie imprévue et brillante toute remplie de traits de bravoure et de croisements de mains. L’andante, dont le thème a le rythme d’une polonaise, inaugure une série de titres français que nous allons retrouver tout au long de l’année 1775. L’émotion y est remplacée par un agrément extérieur renouvelé sans cesse. Pour le finale, Mozart a substitué un thème varié à cette coupe du rondo ou dutempo di minuetto qui elle-même révélait chez lui l’influence italienne, tandis que l’influence allemande se traduisait plutôt sous la forme du finale en forme sonate. Il est incontestable que cette sonate ait été influencée par les Français. Sonate en Si bémol K. 281 Cette sonate a subi l’influence de Joseph Haydn, à la fois dans l’esprit et les procédés. L’ allegro comporte deux sujets, très nettement séparés et suivis d’une petite cadence finale. Mozart a donné une couleur inaccoutumée au développement... La récapitulation reproduit exactement la première partie. Tout le mouvement est d’un caractère brillant avec de nombreuses figures d’accompagnement en doubles croches, des trilles et un curieux effet deritardando avant la ritournelle finale. Sonate en Sol majeur K. 283 L’ allegro est fait de deux sujets distincts, chacun accompagné de sa ritournelle, aboutissant à une petite cadence finale, d’un petit développement conçu en forme de transition qui ramène la récapitulation un peu variée par une répétition du premier sujet en mineur. L’andante nous offre un petit prélude suivi d’un chant en deux parties. Lepresto final est composé de deux sujets longs et rythmiques, dont le second est semé de chromatismes et de passages en dialogue entre les deux mains. Le développement est aussi très long et inspiré de Haydn et contient aucun changement.
N.D.L.R. Dans le prochain numéro, Sr Lucille se penchera sur les sonates K. 309, 310, 330, 332, 311, 331, 570 et sur les Variations «Ah! Vous dirais-je maman ».
Printemps 2001 W. A. Mozart (1756-1791)
Chaque note a été composée avec son sang. Son style est la synthèse parfaite de la facilité italienne, la rigueur allemande et l’élégance française. Il exigeait que sa musique ne dépassât jamais les frontières de la beauté. Il est ennemi de toute exagération. Sa musique opère par son charme, son sourire, la vivacité de son esprit (comme en témoignent ses lettres) mais aussi par des accents tragiques et profonds et tout cela dans une écriture dépouillée. De là, naît la dif culté de bien jouer Mozart, de le comprendre, car en arrière de chaque note, il y a une pensée, une tranche de sa vie qu’il faut deviner. Il faut connaître ce « miracle musical » en consultant les ouvrages sur le maître de Salzbourg et surtout ses lettres, particulièrement celles écrites à sa sœur, très spirituelles, dans lesquelles il décrit ses voyages en Italie, en Allemagne, en France… « Ma musique est amour », aurait dit Mozart. Ce mot est peut-être le plus éclairant de tous. J’ai peine à croire qu’il puisse exister encore aujourd’hui des personnes, non seulement des amateurs mais des musiciens professionnels, qui puissent rester indifférents à la musique de Mozart. Cette musique est d’une simplicité rare et sans grands problèmes techniques mais tout vrai musicien, artiste-né, sait que derrière chaque note, il y a un message à transmettre. Badura-Skoda a dit.: « Bien jouer Mozart est le test suprême du goût d’un musicien ».
Quelques règles d’interprétation Que veut dire interpréter.? C’est laisser à l’auditeur une impression profonde. Le but suprême de toute exécution musicale est de marquer profondément l’âme de l’auditeur. La voie pour y parvenir est parfois longue… L’essence de l’art réside dans le pouvoir d’aimer, dans le besoin de communiquer. Une chose reste commune aux artistes de tous les temps.: s’engager sur le chemin de l’effort et de la persévérance. C’est Carl Philip Emmanuel Bach qui a dit.: « Un musicien ne peut émouvoir les autres s’il n’est ému lui-même, il est nécessaire qu’il ressente lui-même les effets qu’il désire provoquer chez son auditoire ». Busoni af rme quant à lui.: « Si un artiste veut émouvoir les autres, il ne doit pas être ému lui-même, sans quoi il perdra le contrôle de sa technique au moment vital ». C’est vraiment paradoxal, je crois, que l’interprétation idéale doive satisfaire à ces deux conditions. Moi, de dirais.: « Tête froide et cœur chaud ». Toute phrase musicale doit être la traduction d’un contenu expressif. Il faut rester dèle à l’œuvre et au style de Mozart. Les caractéristiques du style mozartien pourraient se résumer ainsi.: une certaine sérénité, une spontanéité, un charme séduisant, une gaieté exubérante au besoin mais tempérée par un côté expressif, parfois d’une certaine mélancolie qui différencie l’art de Mozart de celui de Haydn. L’exigence de la délité au texte prime mais avec un certain degré de liberté pour éviter une exécution inexpressive et sèche. Il faut chercher à donner à chaque œuvre la variété et l’expression que le caractère de la pièce demande et éviter un jeu horizontal. La variété se fait par le son et la couleur. Quand à la basse il y a un trait ascendant ou descendant chromatique, il faut lui donner un peu d’emphase ou le faire ressortir. Quelquefois, dans une longue ligne mélodique, faire un accent négatif qui conduit au sommet du trait permet de retenir la dernière note. Le pianiste doit chercher, se documenter, trouver toutes les qualités pour une bonne interprétation. Il est important d’instrumenter les traits, de les humaniser avec un son chantant. Les œuvres de Mozart, entre toutes les autres, montrent une unité organique si forte, un équilibre si parfait entre le fond et la forme que toute introduction d’éléments étrangers, fussent-ils conçus par un génie, ruinerait leur harmonie, laquelle nous semble céleste. La sonorité Il faut mentionner que Mozart n’a pas écrit pour le clavicorde, ni le clavecin mais (sauf quelques œuvres des toutes premières années) pour le pianoforte moderne. Il est dif cile de reconstituer de nos jours avec exactitude la sonorité d’une œuvre de Mozart à l’époque où elle fut exécutée pour la première fois. Chacun sait que depuis le xviiie siècle, le goût et le comportement des musiciens et du public ont grandement changé, sans parler des bouleversements survenus dans les structures sociales. C’est pourquoi il est dif cile de rendre justice à la musique d’une autre époque. Chez Mozart, le son doit toujours avoir quelque chose de noble et d’aristocratique. Dans les moments les plus expressifs, sa musique reste toujours transparente et belle.
Les nuances Mozart possédait l’art du jeu expressif au suprême degré. L’écriture de Mozart ne fait que suggérer la façon dont sa musique doit être jouée. Il a mis des indications générales de nuances alors il faut que l’exécutant ait à la fois de la tête et du cœur pour savoir à quel point un forte doit sonner fort. Aussi, il faut un certain instinc de la mélodie, un certain sens des oppositions nécessaires entre la tension et la détente. Pas une seule note dans une ligne mélodique ne doit paraître sans vie, il doit y avoir une certaine relation d’une note à l’autre. Chaque note a son propre degré d’intensité. On peut se référer aux conseils pratiques que Chopin donnait à ses élèves. Une note longue, une note haute dans une mélodie, une dissonance, une syncope devraient être plus marquées. La n d’une phrase doit toujours être déposée.
Les tempi Le mécanisme du piano fait au xviiie siècle ne permettait pas de dépasser un certain tempo. Le presto mozartien correspond à un allegro assez vif de nos jours. Par ailleurs, la sonorité des instruments du temps était plus transparente, plus riche en harmonies aiguës. Les tempi de Mozart font ressortir davantage les phrasés et la valeur expressive des ornements. Il faut éviter de jouer trop vite et garder un contrôle, en fait une énergie contrôlée, pour créer le sens du rythme. Pour être expressif, il ne faut pas prendre des libertés dans le rythme ni dans le tempo. Il n’y a pas dans Mozart de liberté sans discipline. N’oubliez pas de conserver l’unité de temps dans toute l’œuvre, à moins d’indications de l’auteur. Établissez toujours le tempo avant de commencer, pendant la « zone de silence ». Il faut être capable de deviner, à partir du morceau lui-même, s’il doit être pris dans un tempo lent ou plus vif. C’est là qu’on reconnaît un vrai musicien. Dans chaque morceau de caractère mélodique, il existe au moins une phrase à partir de laquelle on peut xer de façon sûre le tempo correct. Si l’on observe d’autres points avec attention, le mouvement juste s’imposera de lui-même. Pour décider sans erreur, il faut une longue expérience et quelque instinct du style car il n’existe pas de tempo exact à l’exclusion de tous les autres. Chaque exécutant conserve une certaine liberté de jugement qu’il ne convient pas de sous-estimer et entre certaines limites n’importe quel tempo peut se justi er artistiquement. On entend dire constamment que les vieux maîtres seraient horri és s’ils entendaient les tempi des exécutions d’aujourd’hui. Bien sûr, notre époque de vitesse a in uencé l’accélération des tempi des exécutions musicales. Mozart n’a laissé aucune indication métronomique. Si nous nous référons à ses lettres, il se plaint souvent de la vitesse excessive adoptée par certains musiciens ou bien de tempi trop lents. Il proteste constamment lorsque la clarté et l’exactitude rythmique pâtissent des tempi trop rapides. Il dispute parce ses œuvres sont massacrées par la faute des tempi trop rapides. « Ils s’imaginaient leur ajouter du feu, mais le feu doit naître du morceau lui-même, il ne s’allumera pas parce qu’on prend le mors aux dents », écrivait-il. Lui-même jouait ses allegro dans un mouvement modéré, la signi cation d’un allegro voulant plutôt dire gaiement, joyeusement. S’il voulait un tempo rapide, il écrivait allegro assai ou presto. Pour Mozart, andante voulait dire un tempo uide situé entre le rapide et le lent. Dans un adagio, le tempo devrait être assez allant pour que le rythme fût accusé dans chaque mesure, ce qui facilite l’égalité et la ligne mélodique sans accents inutiles en conservant quand même toute leur puissance expressive. De la part des musiciens, les opinions varient.: quelques-uns af rment que la musique de Mozart doit être jouée de façon aérienne, avec légèreté. Ils appuient leur opinion sur le caractère juvénile de Mozart, sur la facilité d’exécution des passages dif ciles. D’autres tenants de l’avis contraire notent l’élément tragique, démoniaque même dans Mozart. Il y a du vrai dans les deux opinions.: la musique de Mozart contient à la fois du sourire et de la tragédie, c’est ce qui lui vaut une place unique dans l’histoire de cet art. Même dans ses œuvres de caractère galant, il demeure toujours un certain élément de gravité et réciproquement.
N.D.L.R.: Le prochain article tiré des archives de Sr Lucille traitera de quelques œuvres de Mozart plus en détail.
Février 2001TECHNIQUE PIANISTIQUE :
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