Accueil   Chroniques   Écrivez-nous   


W. A. Mozart
(1756-1791)

 

Je vous l’avoue, j’ai un penchant pour ce grand compositeur qui est la musique même. Dans son œuvre on retrouve tout.: l’expression, l’imagination, la poésie, le drame, la tragédie, tout cela obtenu par les moyens les plus simples. De plus, Mozart, comme tous les grands créateurs, est un autobiographe. Le cœur de Mozart s’est exprimé à travers toute sa musique.

Chaque note a été composée avec son sang. Son style est la synthèse parfaite de la facilité italienne, la rigueur allemande et l’élégance française. Il exigeait que sa musique ne dépassât jamais les frontières de la beauté. Il est ennemi de toute exagération.

Sa musique opère par son charme, son sourire, la vivacité de son esprit (comme en témoignent ses lettres) mais aussi par des accents tragiques et profonds et tout cela dans une écriture dépouillée. De là, naît la dif culté de bien jouer Mozart, de le comprendre, car en arrière de chaque note, il y a une pensée, une tranche de sa vie qu’il faut deviner. Il faut connaître ce « miracle musical » en consultant les ouvrages sur le maître de Salzbourg et surtout ses lettres, particulièrement celles écrites à sa sœur, très spirituelles, dans lesquelles il décrit ses voyages en Italie, en Allemagne, en France… « Ma musique est amour », aurait dit Mozart. Ce mot est peut-être le plus éclairant de tous.

J’ai peine à croire qu’il puisse exister encore aujourd’hui des personnes, non seulement des amateurs mais des musiciens professionnels, qui puissent rester indifférents à la musique de Mozart. Cette musique est d’une simplicité rare et sans grands problèmes techniques mais tout vrai musicien, artiste-né, sait que derrière chaque note, il y a un message à transmettre. Badura-Skoda a dit.: « Bien jouer Mozart est le test suprême du goût d’un musicien ».

 

Quelques règles d’interprétation

Que veut dire interpréter.? C’est laisser à l’auditeur une impression profonde. Le but suprême de toute exécution musicale est de marquer profondément l’âme de l’auditeur. La voie pour y parvenir est parfois longue… L’essence de l’art réside dans le pouvoir d’aimer, dans le besoin de communiquer. Une chose reste commune aux artistes de tous les temps.: s’engager sur le chemin de l’effort et de la persévérance.

C’est Carl Philip Emmanuel Bach qui a dit.: « Un musicien ne peut émouvoir les autres s’il n’est ému lui-même, il est nécessaire qu’il ressente lui-même les effets qu’il désire provoquer chez son auditoire ». Busoni af rme quant à lui.: « Si un artiste veut émouvoir les autres, il ne doit pas être ému lui-même, sans quoi il perdra le contrôle de sa technique au moment vital ». C’est vraiment paradoxal, je crois, que l’interprétation idéale doive satisfaire à ces deux conditions. Moi, de dirais.: « Tête froide et cœur chaud ». Toute phrase musicale doit être la traduction d’un contenu expressif.

Il faut rester dèle à l’œuvre et au style de Mozart. Les caractéristiques du style mozartien pourraient se résumer ainsi.: une certaine sérénité, une spontanéité, un charme séduisant, une gaieté exubérante au besoin mais tempérée par un côté expressif, parfois d’une certaine mélancolie qui différencie l’art de Mozart de celui de Haydn. L’exigence de la délité au texte prime mais avec un certain degré de liberté pour éviter une exécution inexpressive et sèche.

Il faut chercher à donner à chaque œuvre la variété et l’expression que le caractère de la pièce demande et éviter un jeu horizontal. La variété se fait par le son et la couleur. Quand à la basse il y a un trait ascendant ou descendant chromatique, il faut lui donner un peu d’emphase ou le faire ressortir. Quelquefois, dans une longue ligne mélodique, faire un accent négatif qui conduit au sommet du trait permet de retenir la dernière note.

Le pianiste doit chercher, se documenter, trouver toutes les qualités pour une bonne interprétation. Il est important d’instrumenter les traits, de les humaniser avec un son chantant.

Les œuvres de Mozart, entre toutes les autres, montrent une unité organique si forte, un équilibre si parfait entre le fond et la forme que toute introduction d’éléments étrangers, fussent-ils conçus par un génie, ruinerait leur harmonie, laquelle nous semble céleste.

La sonorité

Il faut mentionner que Mozart n’a pas écrit pour le clavicorde, ni le clavecin mais (sauf quelques œuvres des toutes premières années) pour le pianoforte moderne. Il est dif cile de reconstituer de nos jours avec exactitude la sonorité d’une œuvre de Mozart à l’époque où elle fut exécutée pour la première fois. Chacun sait que depuis le xviiie siècle, le goût et le comportement des musiciens et du public ont grandement changé, sans parler des bouleversements survenus dans les structures sociales. C’est pourquoi il est dif cile de rendre justice à la musique d’une autre époque.

Chez Mozart, le son doit toujours avoir quelque chose de noble et d’aristocratique. Dans les moments les plus expressifs, sa musique reste toujours transparente et belle.

 

Les nuances

Mozart possédait l’art du jeu expressif au suprême degré. L’écriture de Mozart ne fait que suggérer la façon dont sa musique doit être jouée. Il a mis des indications générales de nuances alors il faut que l’exécutant ait à la fois de la tête et du cœur pour savoir à quel point un forte doit sonner fort. Aussi, il faut un certain instinc de la mélodie, un certain sens des oppositions nécessaires entre la tension et la détente. Pas une seule note dans une ligne mélodique ne doit paraître sans vie, il doit y avoir une certaine relation d’une note à l’autre. Chaque note a son propre degré d’intensité. On peut se référer aux conseils pratiques que Chopin donnait à ses élèves. Une note longue, une note haute dans une mélodie, une dissonance, une syncope devraient être plus marquées. La n d’une phrase doit toujours être déposée.

 

Les tempi

Le mécanisme du piano fait au xviiie siècle ne permettait pas de dépasser un certain tempo. Le presto mozartien correspond à un allegro assez vif de nos jours. Par ailleurs, la sonorité des instruments du temps était plus transparente, plus riche en harmonies aiguës. Les tempi de Mozart font ressortir davantage les phrasés et la valeur expressive des ornements. Il faut éviter de jouer trop vite et garder un contrôle, en fait une énergie contrôlée, pour créer le sens du rythme. Pour être expressif, il ne faut pas prendre des libertés dans le rythme ni dans le tempo. Il n’y a pas dans Mozart de liberté sans discipline. N’oubliez pas de conserver l’unité de temps dans toute l’œuvre, à moins d’indications de l’auteur. Établissez toujours le tempo avant de commencer, pendant la « zone de silence ».

Il faut être capable de deviner, à partir du morceau lui-même, s’il doit être pris dans un tempo lent ou plus vif. C’est là qu’on reconnaît un vrai musicien. Dans chaque morceau de caractère mélodique, il existe au moins une phrase à partir de laquelle on peut xer de façon sûre le tempo correct. Si l’on observe d’autres points avec attention, le mouvement juste s’imposera de lui-même. Pour décider sans erreur, il faut une longue expérience et quelque instinct du style car il n’existe pas de tempo exact à l’exclusion de tous les autres. Chaque exécutant conserve une certaine liberté de jugement qu’il ne convient pas de sous-estimer et entre certaines limites n’importe quel tempo peut se justi er artistiquement.

On entend dire constamment que les vieux maîtres seraient horri és s’ils entendaient les tempi des exécutions d’aujourd’hui. Bien sûr, notre époque de vitesse a in uencé l’accélération des tempi des exécutions musicales.

Mozart n’a laissé aucune indication métronomique. Si nous nous référons à ses lettres, il se plaint souvent de la vitesse excessive adoptée par certains musiciens ou bien de tempi trop lents. Il proteste constamment lorsque la clarté et l’exactitude rythmique pâtissent des tempi trop rapides. Il dispute parce ses œuvres sont massacrées par la faute des tempi trop rapides. « Ils s’imaginaient leur ajouter du feu, mais le feu doit naître du morceau lui-même, il ne s’allumera pas parce qu’on prend le mors aux dents », écrivait-il. Lui-même jouait ses allegro dans un mouvement modéré, la signi cation d’un allegro voulant plutôt dire gaiement, joyeusement. S’il voulait un tempo rapide, il écrivait allegro assai ou presto.

Pour Mozart, andante voulait dire un tempo uide situé entre le rapide et le lent. Dans un adagio, le tempo devrait être assez allant pour que le rythme fût accusé dans chaque mesure, ce qui facilite l’égalité et la ligne mélodique sans accents inutiles en conservant quand même toute leur puissance expressive. De la part des musiciens, les opinions varient.: quelques-uns af rment que la musique de Mozart doit être jouée de façon aérienne, avec légèreté. Ils appuient leur opinion sur le caractère juvénile de Mozart, sur la facilité d’exécution des passages dif ciles. D’autres tenants de l’avis contraire notent l’élément tragique, démoniaque même dans Mozart. Il y a du vrai dans les deux opinions.: la musique de Mozart contient à la fois du sourire et de la tragédie, c’est ce qui lui vaut une place unique dans l’histoire de cet art. Même dans ses œuvres de caractère galant, il demeure toujours un certain élément de gravité et réciproquement.

 

N.D.L.R.: Le prochain article tiré des archives de Sr Lucille traitera de quelques œuvres de Mozart plus en détail.