L'EFFET MOZART : FICTION OU RÉALITÉ ?
Le livre de Don CampbellPour ou
contre l'effet Mozart ? Les médias semblent s'être emparés avec
délectation de cette nouvelle controverse mais en est-ce vraiment une ?
D'abord, comment le définir ? Après la lecture du livre de Don Campbell,
"The Mozart effect", on constate que, pour l'auteur, il ne se
résume pas à l'utilisation à des fins thérapeutiques de la musique de
Mozart. L'effet Mozart est plutôt constitué des éléments universels de la
musique de chaque culture. Il peut être observé soit en fredonnant
(l'auteur prétend d'ailleurs avoir "dissout" un caillot sanguin qu'il
avait au cerveau en contrôlant sa voix et en utilisant des techniques de
visualisation), en dansant sur une musique rythmée ou en écoutant une
musique qui nous inspire.
Pour Don Campbell, la musique la plus dangereuse
est celle écoutée trop fort. Plusieurs babyboomers souffrent de pertes
importantes d'audition, causées par les nombreux concerts rock auxquels
ils ont assisté au cours des années 1960 et 1970.Le choix de la musique
qui provoquera l'effet Mozart doit être laissé à chacun. Une pièce qui
calme un auditeur peut en rendre un autre agressif. Une musique qui nous
émeut une certaine journée peut nous laisser indifférent le lendemain.
Selon Campbell, la voix humaine reste l'outil le plus puissant pour
transformer la douleur et la tristesse en bien-être. Cela expliquerait
l'enthousiasme des amoureux du répertoire opératique qui vont au concert,
pas nécessairement pour apprécier la mise en scène, mais plutôt pour
entendre les chanteurs maîtriser les notes hautes tenues que les
compositeurs d'opéra essaient toujours d'inclure dans leurs arias. Sans
s'en rendre compte, l'auditeur "attend" le moment du climax du solo, qui
lui procurera un plaisir intense en libérant ses tensions.
Alfred Tomatis, Docteur MozartPourquoi ne pas avoir nommé ce phénomène "l'effet Bach", "l'effet
Beethoven" ou "l'effet Beatles ?" Mozart
était-il un plus grand génie ? Le Dr Tomatis, oto-rhino-laryngologiste,
chirurgien, psychologue et inventeur, surnommé Dr Mozart par ses patients,
au cours de plusieurs années de recherche, a constaté que la musique de
Mozart calmait les auditeurs, améliorait leur perception spatiale et les
aidait à s'exprimer plus clairement. Que les auditeurs habitent à Londres,
Tokyo ou Cape Town et que ceux-ci aient ou non une formation musicale
n'affectait pas le résultat. Le caractère unique de la musique de Mozart
réside probablement dans sa simplicité et sa symétrie. Elle n'est pas
intensément émotionnelle (comme peut l'être la musique de Beethoven), ni
complexe (comme le contrepoint de Bach) ni spécialement religieuse ou
mystique dans son essence (on pense ici aux chants grégoriens). La musique
de Mozart se trouve quelque part au carrefour de tous les courants et
possède ainsi un côté universel.
Tomatis a mis sur pied une méthode, testée
rigoureusement, particulièrement utile pour traiter les problèmes
d'apprentissage et les troubles de comportement. Selon lui, la fonction
première de l'oreille est d'aider la croissance du cerveau du fœtus.
Malgré les bruits ambiants (cœur de la mère, respiration et digestion de
celle-ci), le fœtus distingue très bien la voix maternelle déjà 4 mois et
demi avant sa naissance. Les recherches ont prouvé que bien avant que
l'enfant puisse parler lui-même, il reconnaît les sons entendus in utero.
L'impact psychologique de la voix maternelle est aussi essentiel à une
bonne croissance que l'apport alimentaire du cordon ombilical. À la
naissance de l'enfant, l'oreille transforme les ondes sonores en
impulsions électrochimiques qui chargent le néo-cortex et à travers lui,
le système nerveux entier se met en branle.
Pour Tomatis, le son reste une substance
essentielle. La nourriture alimente le corps en lui transmettant de
l'énergie tandis que les ondes sonores nourrissent le cerveau. Notre
système nerveux peut ainsi se "recharger" ou se
"décharger" grâce aux sons qui nous entourent.
Les hautes fréquences énergisent le cerveau et les basses fréquences le
drainent de son énergie. Ces mêmes hautes fréquences se retrouvent dans la
musique de Mozart, particulièrement dans les Concerti pour violon.
Pour contrer l'effet nuisible des basses
fréquences, Tomatis prescrit une thérapie sonore à ses patients. Il croit
que depuis l'instant de notre conception, nous bloquons les fréquences qui
nous rappellent des traumatismes. Le but de sa technique est de rééduquer
les muscles de l'oreille interne, de façon à laisser percevoir de nouveau
à l'oreille toute la palette sonore. La rééducation de l'oreille se fait
par l'écoute d'œuvres de Mozart qui ont été filtrées (certaines fréquences
se trouvant éliminées et d'autres renforcées). Des chants grégoriens et
l'enregistrement de la voix maternelle (si disponible) sont également
utilisés. Le Dr Tomatis proposent ces sons au patient grâce à son
invention, "l'oreille électronique", des écouteurs modifiés qui permettent
la transmission du son par l'air (l'oreille) mais également par les os.
Tomatis croit qu'une écoute active est toujours
préférable à une écoute passive. La qualité de cette écoute influence
également le développement du langage parlé et écrit, l'oreille apprenant
à enregistrer l'information importante tout en rejetant les données non
pertinentes.
Tomatis a également découvert que la voix reste
uniquement capable de reproduire les fréquences que l'oreille perçoit. Par
exemple, une personne incapable d'entendre clairement les hautes
fréquences ne pourra pas les chanter. Tomatis a démontré également qu'une
des deux oreilles demeure toujours privilégiée dans l'écoute. Quand
l'oreille droite perçoit d'abord les sons, l'analyse de ceux-ci se fait
plus facilement. Cette notion est particulièrement importante pour les
musiciens et les chanteurs. Tomatis raconte d'ailleurs dans son
autobiographie "L'oreille consciente : ma vie" comment Maria Callas était
venu le consulter, incapable de continuer à chanter, ne contrôlant plus sa
voix avec son oreille droite. Tomatis a rééduqué son oreille interne et
Maria Callas a poursuivi sa carrière avec le succès que l'on sait.
Plus de 200 centres Tomatis à travers le monde
(dont la maison-mère de Paris) accueillent maintenant des patients,
certains présentant des troubles graves (plusieurs personnes souffrant
d'autisme ont été traitées avec succès) et d'autres désirant simplement
travailler au développement d'une écoute plus attentive (on retrouve dans
cette catégorie plusieurs musiciens).
Comment a débuté la controverse ?Le public a découvert l'effet Mozart en 1993 grâce à l'étude
menée par le Dr Frances Rauscher de l'université de Californie à Irvine.
Avec ses collègues, elle avait observé que 36 étudiants en psychologie au
baccalauréat avaient obtenu des résultats de 8 ou 9 points plus élevés
lors de leur test de QI spatial après l'écoute pendant 10 minutes de la
Sonate pour 2 pianos en ré majeur
(K.448) de Mozart. L'effet observé n'avait duré que 10 ou 15
minutes mais l'équipe du Dr Rauscher avait quand même établi une
corrélation entre la musique et les aptitudes de raisonnement spatial. Les
résultats, interprétés par les médias se transformèrent en : "L'écoute de
la musique de Mozart augmente l'intelligence". Au lendemain de cette
annonce, les gens se sont précipités chez leur disquaire préféré pour
effectuer une véritable razzia de tous les titres disponibles de Mozart !
L'effet a fait boule de neige. Le gouverneur de Georgie Zell Miller croit
tellement en l'effet Mozart qu'il offre maintenant à toutes les nouvelles
mamans un disque de musique de Mozart et en Floride, les jeunes bambins
écoutent de la musique tous les jours en garderie !
On semble avoir oublié que les études ont été
menées sur des sujets universitaires et non sur de jeunes enfants. Les
chercheurs n'ont pas analysé le cerveau, ils ont simplement constaté un
comportement. En 1999, des chercheurs du Appalachian State University ont
tenté de reproduire l'étude d'Irvine mais sans succès. Les médias ont tout
de suite crié à la supercherie ! Le Dr Rauscher, maintenant professeur à
l'université du Wisconsin, a exprimé ses réticences quant au traitement
réservé à l'effet Mozart par la presse, insistant que des généralisations
larges nuisent à la crédibilité des scientifiques. "Je ne crois pas
(la musique de Mozart) nocive. Je crois
essentiel de permettre aux enfants de participer à des expériences
culturelles enrichissantes. Par contre, je crois que l'argent serait mieux
utilisé s'il était injecté dans des programmes d'éducation musicale"
disait-elle en entrevue au Times de New York.
La musique possède des vertus encore mal
interprétées que les chercheurs ne parviendront peut-être jamais à
élucider complètement. Alors pourquoi bouder notre plaisir en essayant de
suranalyser les bienfaits de la musique ? Après tout, le chant et la danse
ont certainement précédé le langage chez les premiers hommes, faisant de
la musique le premier langage universel. Nous devrions seulement être
ravis que la musique ait enfin pris une place plus importante dans notre
société.
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