L'IMPROVISATION ET
LES PIANISTES Le mot
"improvisation" soulève toutes sortes de
réactions chez les pianistes selon leur expérience et leur éducation
musicale : doutes, interrogations, peurs, parfois aussi de l'admiration.
Il semble que peu de pianistes, surtout classiques, considèrent cette
activité comme étant accessible. Nous avons plus ou moins en tête l'image
de musiciens jazz qui improvisent sur une séquence d'accords ou encore
celle des musiciens de l'époque baroque, souvent des organistes, qui
exécutaient des exercices d'improvisation sur une base chiffrée. Peut-être
pensons-nous également à des musiciens tels que Bach, Mozart ou Liszt qui,
dit-on, improvisaient admirablement bien. Qui sait si nous n'avons pas
enseigné à un élève qui s'adonnait naturellement à cette activité sans que
nous sachions comment l'orienter !
Et si l'improvisation était un moyen d'expression
accessible à tous ? Le Larousse la décrit comme "l'une des principales
manifestations de la création musicale". (Charles Whitfield) Il faut se
rappeler que la notation musicale perfectionnée que nous connaissons est
plutôt récente dans l'histoire. La musique vivait bien avant l'invention
du système de notation. Il faut aussi mentionner que le clivage entre
l'interprète et le créateur ne date que du XIXème siècle. Auparavant, être
musicien voulait souvent dire être compositeur, improvisateur, interprète,
chambriste, pédagogue...
Différents types d'improvisation rejoignent des
objectifs particuliers : l'improvisation structurée comme on la retrouve
dans le jazz ou la musique baroque, l'improvisation comme outil de
composition pouvant se développer à l'intérieur de cadres ou de langages
des plus variés, l'improvisation comme moyen thérapeutique telle que
l'utilisent les musicothérapeutes. On peut également concevoir
l'improvisation comme étant un aspect intrinsèque de la musique elle-même,
ouvrant ainsi la porte à une multitude de moyens pédagogiques. Par
exemple, l'improvisation s'avère un élément important dans la pédagogie de
la rythmique Jacques-Dalcroze. Le milieu de l'éducation musicale semble
s'éveiller graduellement au processus créateur. La parution de petits
livres de composition chez Alfred, utilisés de pair avec la méthode de
piano, confirme cette tendance.
David Darling, violoncelliste professionnel et
compositeur, a développé une approche très accessible pour improviser
qu'il a appelée Music for people. Il a
créé un réseau d'improvisateurs et mis sur pied une formation en
improvisation et animation musicale (Musicianship
and leadership program) qui permet à des professeurs certifiés
de poursuivre et développer ce travail. En ce qui me concerne,
l'enseignement de Music for people a
largement contribué à enrichir mon enseignement. Les concepts qu'il
véhicule m'ont permis non seulement d'intégrer l'improvisation à mon
enseignement, mais également de remettre dans une juste perspective
différents aspects de l'interprétation. Ainsi, l'écoute se révèle la
pierre angulaire de toute activité d'apprentissage, ce qui permet de
donner vie à un langage musical qui, sans cette écoute, demeurerait
inerte.
D'autres types de pédagogie valorisent l'écoute,
mais quand on aborde le "comment écouter", on
se retrouve souvent démuni. De façon indirecte, mais non moins efficace,
le type d'improvisation à la base de cette philosophie amène une qualité
d'écoute et de présence qui se répercute dans l'interprétation.
Étrangement, c'est justement cette qualité d'écoute et de présence qui
fait naître les improvisations les plus significatives. En permettant de
comprendre, de se saisir du langage musical, l'improvisation s'avère une
voie privilégiée pour retrouver l'essence de la musique et donner accès à
son potentiel de créativité. Elle offre la possibilité de "parler" le langage musical tout comme nous
choisissons les mots justes pour exprimer nos idées, nos émotions.
Contrairement à ce qu'on pourrait croire,
l'improvisation est une activité accessible à tout musicien, même lorsque
le langage musical est encore peu élaboré. Le point important est de
connaître des pistes simples et de laisser se développer l'idée de départ
dans une attitude qui fait taire le jugement et laisse place à l'inattendu
qui surgira.
Sur le plan pédagogique, plusieurs notions et
habiletés peuvent être intégrées et renforcées dans la formation musicale
par le biais de l'improvisation : gammes, enchaînements d'accords, rythmes
particuliers, styles... et pourquoi pas la formation auditive ! Dans son
enseignement, David Darling nous rappelle souvent une phrase clé : "Sing what you play, play what you sing". Enseigner,
c'est aussi créer un climat de confiance entre l'élève et le professeur.
Il faut expérimenter l'improvisation en duo avec un élève pour constater
la complicité qui émerge entre les deux musiciens. Cette complicité
musicale peut aussi être vécue en improvisant en groupe. Elle permet alors
d'élargir l'écoute et de développer la capacité de rester présent à la
fois à sa musique et à celle des autres, capacité clé de la musique
d'ensemble.
Monique
PoirierN.D.L.R. Du 10 au 14 janvier
2000, aura lieu un stage s'adressant aux professeurs de piano. Il
permettra non seulement d'explorer l'improvisation mais d'autres aspects
peu touchés dans la formation traditionnelle des pianistes :
- Le corps en relation avec le piano : conscience corporelle, aspect
bio-mécanique (posture et mouvement) avec l'invitée spéciale Isabelle
Brown
- Le piano, l'instrument : caractéristiques en lien avec la production
sonore et le geste pianistique
- L'oreille musicale, vers une écoute sensible : l'improvisation comme
moyen d'enrichir l'expression musicale et d'ouvrir l'écoute (pistes
d'explorations et stratégies pédagogiques)
Le stage est également donné par Monique Poirier et Sylvie
Patenaude. Frais de 250,00$ pour la semaine de 25 heures (incluant 25$ de
frais d'inscription). Information et inscription au (514) 341-5943 ou par
courriel à patenaude.s@altavista.net
Rabais de 25$ pour les inscriptions reçues avant le
10 décembre 1999. Dépliant sur demande.
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