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L’apprentissage aux Petits Violons ou la recherche de l’efficacité sans douleur Jean CousineauLa raison d’être d’un enseignement, c’est d’amorcer un apprentissage chez l’élève. La valeur de tout enseignement ne doit donc pas se discuter mais bien se mesurer par la qualité et l’étendue des savoirs et habiletés acquis par l’élève, de même que par la plus ou moins grande facilité d’acquisition de ces savoirs et habiletés, quant aux dépenses de temps, d’énergie et d’argent. La base du système que j’applique aux Petits Violons depuis bientôt trente-sept ans, est issue de souvenirs de questions, trop souvent sans réponse, de joies et de difficultés, de plaisirs et de frustrations qui jalonnèrent mon propre parcours d’apprentissage violonistique. En commençant moi-même à enseigner, j’ai voulu le plus possible pouvoir répondre aux questions de mes élèves et leur permettre de découvrir les joies et les plaisirs du violon tout en leur épargnant au maximum les difficultés et les frustrations. Je me suis alors souvenu que ces dernières venaient toujours de la difficulté ou l’impossibilité de rendre adéquatement, sur l’instrument, ce que je ressentais et souhaitais exprimer musicalement. On me parlait beaucoup de l’expression musicale, ce qui est la nalité de l’instrument mais on me fournissait très peu de moyens de contrôle de l’émission. Pourtant la fonction de l’appareil à sons que l’on nomme instrument est d’émettre des sons que l’on souhaite les plus parfaits possibles quand à la richesse des timbres et la qualité de l’intonation. Dès lors, nous sommes dans le domaine de l’émission sonore et nous rencontrons là, les connaissances et habiletés incontournables qui doivent être intégrées à la psychomotricité humaine pour que l’étudiant puisse accéder au domaine de l’expression esthétiquement codifiée qui transforme les sons en musique. Et ce domaine de l’émission sonore est, ou devrait être, le champ d’action privilégié du professeur d’instrument. Pour un enseignement instrumental de qualité, il m’a semblé qu’on devait procéder à: 1 une prise en compte détaillée des caractéristiques physico-acoustiques de l’instrument, 2 une analyse rigoureuse des paramètres, valeurs et variables, inhérents à l’émission des sons par ledit instrument, 3 une évaluation précise des relations optimales entre ces paramètres, valeurs et variables et les possibilités psychomotrices de l’homme qui veut activer les potentialités sonores de l’instrument, à des fins musicales. Ces trois points, conjointement, permettent d’amorcer et de baliser un processus d’apprentissage instrumental de la plus grande qualité possible, qualité jointe à une économie maximale de temps et d’efforts (efficacité). Se déroulant dans des conditions favorables, ce processus
devrait aboutir rapidement à une symbiose de plus en plus poussée, entre
l’homme et l’instrument, symbiose qui permettra d’apprendre en jouant
et de jouer pour apprendre. Les lignes qui précèdent resteront des voeux pieux si on n’a pas la manière de s’y prendre. Aux Petits Violons on s’attache à trois points: une kinesthésie ef cace, une approche didactique favorisant le travail de l’intelligence plutôt que la répétition des gestes, et surtout on cherche à motiver l’élève par le répertoire. La motivation étant à la fois l’élément initiateur de l’apprentissage et son élément nourricier tout au long du processus, c’est donc par là que nous commençons.
I La motivation par le répertoire Aux Petits Violons, on respecte les trois principes suivants: 1. Comme on l’a vu, l’instrument a une finalité musicale mais son apprentissage relève de sa fonction qui est d’émettre des sons. Le professeur n’a qu’une in uence limitée sur la qualité et l’intensité du sens poétique de l’élève. De plus, ce dernier devra toute sa vie, tenir compte des chapelles, des credos esthétiques et des canons d’interprétation qui varient presqu’à l’infini, selon les pays, les villes, les ethnies, les modes, les périodes etc.. Ainsi, tout en inculquant les notions de base en esthétique de la phrase mélodique et de la pulsation rythmique, le professeur, en priorité, doit s’en tenir à la qualité de l’émission sonore et à l’étendue de la palette des variations de timbres, de couleurs et d’intensité. En effet, au terme du processus d’apprentissage instrumental, la qualité finale de l’expression musicale dépend avant tout de la qualité de la symbiose homme/instrument . La profondeur et l’intensité du sens poétique du sujet s’exprimeront à la mesure de la qualité de la technique d’émission, et seront totalement trahies et dénaturés par une émission déficiente. 2. Le répertoire d’un instrument utilise sous des formes plus variées et avec beaucoup plus de génie créateur, les mêmes notes que le matériel quali é de technique dans les systèmes traditionnels (gammes et études). C’est pourquoi, chez nous, pour apprendre à émettre sur un violon, il nous semble plus avisé d’utiliser les notes du répertoire de musique de chambre, in niment varié et gradué, plutôt que les gammes et les études. C’est ainsi que l’on agit de trois façons sur la motivation de l’élève. D’abord par la qualité des séquences sonores étudiées, qualité qui provoque le désir de bien assimiler. Deuxièmement par l’émotion et l’exaltation que génèrent de telles pièces; et enfin, par le plaisir toujours intense de la musique d’ensemble qui guide agréablement l’individu vers une intégration harmonieuse de la recherche du succès personnel à la responsabilité dans la réussite du groupe. 3. Le répertoire de musique d’ensemble est l’outil par excellence pour le développement professionnel des jeunes. Nous choisissons, en effet, les oeuvres en fonction du développement technique qu’elles favorisent chez les élèves et aussi en fonction de leur qualité musicale, convaincus que nous sommes que seules méritent d’être étudiées les musiques dignes d’être jouées en concert. Et, une fois ces oeuvres apprises, les jeunes désirent ardemment les jouer. Ils comprennent ainsi, implicitement, que c’est le concert qui complète le cycle de la création musicale, du compositeur à l’auditeur et aussi, qui fixe la connaissance acquise dans le cerveau de l’interprète.
II Kinesthésie ef cace Réfléchissant sur les caractéristiques du violon et les mettant en regard des potentialités psychomotrices de sa mécanique vivante: l’homme, nous avons préconisé des postures et une gestique qui économisent l’énergie et favorisent l’habileté. Il nous ferait plaisir d’énumérer les principaux points forts de cette gestique mais cela dépasserait le cadre d’un exposé aussi schématique que celui-ci. Nous voulons néanmoins souligner deux points importants découlant de cette recherche kinesthésique: 1. En ces années où se multiplient ces maux que l’on nomme maladies des musiciens, aux Petits Violons, pendant trente-sept ans, sans la moindre petite tendinite, nous avons appris quantité de pièces difficiles à nombre de jeunes. Exceptionnel dans le monde instrumental actuel, ce résultat nous semble une preuve solide de l’efficacité de la kinesthésie que nous suggérons. Le regretté docteur Michel Dupuis, physiatre en chef de l’hôpital Notre-Dame, qui connaissait nos travaux et soignait de nombreux musiciens, partage cet avis. 2. Séduits par nos résultats, certains cherchent à adapter notre approche kinésique à d’autres instruments.
III Approche didactique En musique, il nous semble que trop peu de gens se préoccupent de ce que, aux Petits Violons, nous nommons la représentation mentale de l’exécution. On commence depuis peu à s’en préoccuper en athlétisme de haut niveau. Pourtant, la quête de cette représentation mentale procède d’un raisonnement fort simple: 1. exact ou erroné tout geste est commandé par le cerveau; 2. le geste erroné n’est pas plus facile que le geste exact (il peut même souvent s’avérer plus difficile); 3. c’est plus qu’une évidence: personne n’aime se tromper. Comment alors expliquer que les erreurs soient si courantes, malgré des heures de pratique? En l’absence d’une connaissance diagnostique, on ne peut détecter les symptômes d’une préparation mentale adéquate ou dé ciente, ni savoir si on a réussi à renforcer la bonne ou à recti er la mauvaise. Ainsi, constatant, sans trop savoir pourquoi, qu’il y a eu erreur, on recommande à l’élève des heures et des heures de travail durant lesquelles bien souvent il répète inlassablement les mêmes erreurs, au risque de se blesser. On devrait peut-être se demander comment agir sur le cerveau, pour qu’il puisse définir le geste exact et le commander; le tour serait joué (le passage aussi!). Cette façon de faire a sans doute une influence sur le point précédemment traité, en ce qu’elle peut rendre la kinesthésie encore plus efficace. Elle acquiert une importance énorme dans la qualité du jeu. En effet, quand, par des techniques de contrôle mental de l’exécution, on peut diminuer d’une façon impressionnante le nombre d’heures nécessaires à la mise en forme, à l’apprentissage, à l’entretien et l’augmentation des habiletés, on taxe beaucoup moins le système neuromoteur. Comme en même temps, on procure tout aussi rapidement une certitude de résultats exacts et partant, une grande confiance dans la qualité finale de l’exécution, on diminue radicalement la tension, qui est en soi une grande consommatrice d’énergie, énergie dépensée en pure perte et qui peut souvent causer les maladies violonistiques. C’était là un énoncé plus que succinct des grandes lignes de force qui orientent le travail d’enseignement aux Petits Violons. Ajoutons en conclusion que chez nous, nous préférons le mot effort au mot travail et que nous nous sommes toujours appliqués à transformer l’effort en plaisir et le devoir en désir. |