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Rhené Jaque: les pièces pour les jeunes Jacques-René Rhené Jaque (de son nom de baptême Marguerite Cartier) a reçu sa première éducation musicale à Beauharnois puis ensuite à Vincent d’Indy à Montréal. Elle étudie l’analyse musicale, l’harmonie et le contrepoint, la fugue et la composition avec Claude Champagne et François Morel, l’orchestration avec Jean Vallerand et l’analyse d’oeuvres modernes avec Marvin Duchow. En 1972, elle suivit des cours de composition de perfectionnement dans la classe du maître Tony Aubin, à Nice. Rhené Jaque a longtemps été professeur de violon et de violoncelle à Vincent d’Indy. Elle possède un baccalauréat spécialisé et une licence en musique de l’Université de Montréal. Elle prononçait une conférence au sujet de ses oeuvres pour piano il y a quelques années. En voici les grandes lignes. « Je dois tout d’abord vous dire ce qui m’a incité à composer. Ayant suivi des cours d’écriture musicale avec Monsieur Claude Champagne, il m’arriva un jour de lui demander si je pourrais écrire des pièces avec des gammes personnelles, c’est-à-dire des séries de notes qui ne sont pas sérielles mais des séries de notes atonales, c’est-à-dire des gammes qui ne sont ni majeures ni mineures mais en même temps qui ne sont pas sérielles. Je n’utilise pas les douze sons d’une façon rigoureuse. Cela m’amène à des agrégations d’accords un peu étranges, en dehors du classicisme. Si je superpose des gammes différentes, les agrégations d’accords s’éloignent des accords de septième de dominante ou à trois sons. Avec ce bagage atonal, ces systèmes de gammes, j’ai commencé à composer mes petites pièces. Monsieur Champagne m’approuva, au grand désespoir de Soeur Marie Stéphane qui ne jurait que par le système tonal, fort bien établi depuis des siècles et, il va s’en dire, que je respecte beaucoup. J’ouvre ici une parenthèse pour raconter une anecdote assez amusante. Un jour, j’avais préparé sur une feuille de musique une quantité impressionnante de séries de notes avec des dièses, des bémols, des accords et, avec ce matériel bien à moi, j’avais décidé d’écrire un trio pour violon, violoncelle et piano. J’étais dans un studio, tout près du bureau de Soeur Marie Stéphane. Elle entra pendant que je travaillais. Elle me dit, « Qu’est-ce que vous fabriquez? » Je lui répondis que j’essayais d’écrire un trio. Elle se pencha pour regarder et aperçut toutes ses séries étranges. Elle me dit alors: « Jouez-moi ça! » Je me sentais très nerveuse. Je lui dis: « Vous savez, chaque gamme a une couleur particulière. Si j’utilise plusieurs gammes dans mes compositions, cela apporte une variété de couleurs. » Elle me regarda d’un air découragé et elle me dit une seconde fois, « Jouez-moi ça! » J’ai essayé de réduire au piano les parties de violon, violoncelle et piano. Au bout de quelques pages, j’étais toute en sueur et j’attendais son verdict. En me regardant par-dessus ses lunettes, elle répliqua à peu près ceci: « De la couleur, de la couleur, pas de fond, pas de structure! » Je lui ai dit que je cesserais. Elle répliqua: « Vous savez, Sr Jacques, depuis quelque temps, je suis fort inquiète de vous. Vous êtes en train de vous fourvoyer comme tous les jeunes exaltés de nos jours qui écrivent n’importe quoi. S Je lui répétai de nouveau que j’arrêterais la composition de ce trio. Elle me dit: « Non, non! Vous allez continuer à écrire cela et chaque année vous écrirez une pièce tonale ». À partir de ce moment, j’écrivis chaque année des motets, des petites pièces en forme de canon et elle me laissa continuer. Plus tard, quand je lui faisais entendre ces petites pièces, elle disait, « C’est joli, c’est joli, on ne peut pas dire que ce n’est pas joli ». Ça m’amusait beaucoup parce que j’avais réussi à la convertir. Quand Monsieur Champagne corrigeait mes compositions, il mettait l’accent sur la clarté du plan. Il ne craignait pas de retrancher des pages sous prétexte que c’était trop élagué. Sur le moment, c’était crucial pour moi mais après je réalisais que c’était nécessaire pour l’ensemble. Plusieurs de mes pièces ont été écrites après la mort de Monsieur Champagne survenue en 1965 mais je garde toujours en mémoire ses conseils pratiques et tellement logiques. Plusieurs se demandent d’où vient mon nom de plume Rhené Jaque. Quand il s’est agi de faire éditer mes pièces musicales, Monsieur Champagne me dit: « Il vous faut maintenant un nom de plume, surtout pas un nom de soeur ni de femme parce que vos pièces ne se vendront pas ». Peut-être avait-il raison. Comme je n’avais aucune expérience dans le domaine de la diffusion et de la publication, je lui faisais confiance. Un jour, il me dit qu’il avait trouvé mon nom de plume: « Vous inversez votre nom de religieuse, le tour est joué, avec une appellation qui n’a rien à voir avec un nom de famille. De cette manière, les gens ne sauront pas que vous êtes une femme ni une religieuse. » Cependant, je dois ajouter que ce pseudonyme m’a valu quelques aventures cocasses. Mes pièces ont été écrites souvent à la demande de mes compagnes professeurs. J’écrivais surtout durant les vacances parce qu’il me fallait du temps et beaucoup de tranquillité. J’aime à travailler dans un petit studio, peu éclairé, loin du bruit, je dois être complètement seule et dois m’assurer que personne ne viendra me déranger. Je suis loin comme vous voyez d’un compositeur comme Schubert qui s’accommodait d’un coin de table dans un bistro et qui écrivait, au milieu du bruit et des ivrognes, ses plus beaux lieder d’une grande suavité. En toute humilité, je ne suis ni Schubert ni Mozart. Dans mes oeuvres, je recherche beaucoup la couleur et le dynamisme dans le choix de mes thèmes. J’aime que la musique vive, qu’elle constitue un repos, une sorte de délassement pour l’auditeur. Mes pièces pour piano pour les jeunes ont été écrites avec beaucoup de plaisir. Fête champêtre Badinerie Danse Inventions à deux voix Le petit jongleur; berceuse; espièglerie Le petit pâtre Le petit âne gris Lutin |