La Scena Musicale

Tuesday, August 18, 2009

Johann Strauss: Das Spitzentuch der Königin

Jessica Glatte, Elke Kottmair, soprano; Nadja Stefanoff, Gritt Gnauck, mezzo-soprano; Ralf Simon, Markus Liske, Hardy Brachmann, tenor; Chor der Staatsoperette Dresden; Orchester der Staatsoperette Dresden/Ernst Theis
Cpo 777 406-2 (2CD: 95 min 50 s)
**** $$$$

Cette production constitue le début d’un partenariat à long terme entre la maison cpo et le Staatsoperette de Dresde en vue de graver l’édition complète des œuvres lyriques de Strauss. Das Spitzentuch der Königin (Le Mouchoir de la Reine) est une satire se déroulant au Portugal, quelque part au 16e siècle, mais véhiculant une critique de la monarchie autrichienne qui la rendit populaire pendant les dernières années du 19e siècle viennois avant de disparaître du répertoire dès le début du 20e siècle. La résurrection que nous propose cette production aura tout pour plaire aux amoureux du beau chant et de la musique viennoise. Les chanteurs sont tout à fait convaincants, sauf peut-être à l’occasion Nadja Stefanoff dont la projection manque un peu d’ampleur. La musique est purement ravissante et offrira aux plus attentifs une petite surprise : la mélodie originale dont s’est servie Strauss quelques années plus tard dans la composition de la fameuse valse « Roses du Sud ». Cette septième opérette du roi de la valse n’est peut-être pas un grand chef-d’œuvre, mais elle sait réchauffer le cœur et titiller l’esprit avec sa belle vivacité et ses attrayantes mélodies, parfaitement soutenues par la direction précise d’Ernst Theis.

- Frédéric Cardin

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Saturday, July 11, 2009

Harry Somers: The Fool/The Death of Enkidu

The Fool: Tamara Hummel, soprano; Sandra Graham, mezzo-soprano; Darryl Edwards, tenor; Gary Relyea, Bass-baritone; David Currie, conductor; The Death of Endiku: Amanda Parsons, actor; Julie Nesrallah, mezzo-soprano; Martin Houtman, David Pomeroy, tenor; Doug Macnaughton, baritone; Alain Coulombe, bass; Les Dala, conductor
Centrediscs CMCCD 14209 (CD1: 46 min 50 s; CD2: 40 min 22 s)
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Harry Somers (1925-1999) est le compositeur canadien ayant obtenu le plus de reconnaissance internationale dans le domaine de l’opéra. Son Louis Riel de 1967 a d’ailleurs connu du succès à travers le monde et demeure à ce jour l’un des rares opéras canadiens encore montés. The Fool (Le Fou) est une œuvre précoce, créée en 1953. C’est une fable psychologique mettant en scène quatre personnages symboliques : le roi, la reine, la suivante et le fou. Ils représentent chacun une facette de l’homme en tant qu’individu. Le contrepoint relationnel des personnages sert de fondation à une exploration de l’esprit humain. La musique est un savant dosage de techniques atonales et de mélodies résolument tonales, qui font écho à un certain archaïsme véhiculé par les personnages eux-mêmes. Le tout évite heureusement l’écueil du mariage forcé et contre-nature, grâce au raffinement et à l’immense intelligence de ce compositeur encore beaucoup trop méconnu ici au Québec. The Fool est à la fois ludique et sérieux, une œuvre difficile à classer, mais à coup sûr un petit chef-d’œuvre. The Death of Enkidu (1977), projet à la fois inachevé et plus ambitieux, souffre un peu de ce trop-plein de prétention. Le sujet a pourtant de quoi stimuler l’esprit et l’imagination : L’Épopée de Gilgamesh, récit fondateur de la civilisation mésopotamienne. La saga babylonienne, écrite environ 2700 ans avant notre ère, est un support parfait pour les techniques atonales, les effets de percussions et la déclamation serrée proposés par Somers. Bien que fascinant à bien des égards, l’opéra n’atteint pas le degré de cohérence et de concision de The Fool. Le projet initial prévoyait une trilogie. La mort ayant emporté le compositeur avant qu’il n’entame la suite, nous n’aurons malheureusement jamais la possibilité de savoir jusqu’où cette épopée mythique aurait pu aller sur scène. Cela étant dit, peu importe les bémols, voici un document essentiel pour la mémoire et la culture nationale du pays.

- Frédéric Cardin

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Friday, July 10, 2009

Jiří Kylián : Svadebka, Symphonie des Psaumes, Torso

Musiques d’Igor Stravinski et Toru Takemitsu
Nederlands Dans Theater; Jiří Kylián, choreographer
Arthaus Musik 102 115 (68 min)
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Ce DVD présente la captation de trois œuvres du chorégraphe tchèque Jiří Kylián – figure marquante du ballet moderne – réalisées entre 1975 et 1982 alors qu’il prenait la tête du Nederlands Dans Theater à titre de directeur artistique. Sur des bases classiques, Kylián développe un langage chorégraphique à la fois traditionnel dans les gestes et contemporain dans le propos. Dans Svadebka, basé sur Les Noces de Stravinski, Kylián démontre une vision énergique et joyeuse de la partition. Le chorégraphe utilise dans Torso, un duo créé à partir de Textures du japonais Toru Takemitsu, une gestuelle plus abstraite pour traiter des conflits vécus au sein d’un couple. Enfin, dans la Symphonie des Psaumes, musique de Stravinski, les gestes et les corps tendent à un absolu d’exaltation et de recueillement. Ce ballet d’une grande puissance poétique est certainement la création la plus marquante de Kylián. Ces captations vidéo réalisées en 1983 et 1984 par les télévisions publiques néerlandaises et suédoises ont une qualité visuelle qui date un peu (les couleurs sont légèrement défraîchies), mais leur qualité sonore est globalement très bonne. Le plaisir de découvrir ces magnifiques créations l’emporte sur les réalités technologiques des années 1980!

- Éric Champagne

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Mozart: Idomeneo

Richard Croft (Idomeneo); Bernarda Fink (Idamante); Sunhae Im (Ilia); Alexandrina Pendatchanska (Elettra); Kenneth Tarver (Arbace); Nicolas Rivenq (Gran Sacerdote); Luca Tittoto (La Voce)
RIAS Kammerchor; Freiburger Barockorchester/René Jacobs
Harmonia Mundi HMC 902036.38 (3CD: 3 h 11 min + 1DVD: 45 min 50 s)
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Quel orchestre et quel chef ! À la tête d’un ensemble baroque galvanisé, René Jacobs conduit sans faillir le premier véritable chef-d’œuvre que Mozart aura donné au genre lyrique. Après Harnoncourt et Gardiner, il réussit à nous en faire saisir d’autres beautés, loin du hiératisme figé de l’opera seria. Il réitère ainsi le tour de force accompli, il y a trois ans, avec La Clemenza di Tito, faisant des récitatifs des moments dramatiques ou à tout le moins significatifs. Notre bonheur aurait été complet si la prestation soliste ou chorale était toujours de la même qualité. Oubliant qu’il fut grand guerrier, Richard Croft réduit un peu trop son Idoménée au ton élégiaque, ce qui fait double emploi avec le rôle d’Idamante, et la voix de Sunhae Im est trop éthérée pour faire croire à l’éprouvée Ilia, mais Bernarda Fink et Alexandrina Pendatchanska sont bien à leur place. Ces réserves peuvent être tenues pour mineures en regard d’une magnifique réalisation d’ensemble. Un DVD nous permet de jeter un coup d’œil sur les séances de travail intensif qui ont précédé l’enregistrement, tout en nous livrant les réflexions du chef et des artistes sur l’œuvre.

- Alexandre Lazaridès

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Janitsch : Sonate da camera Vol. 1 – Notturna

Christopher Palameta, hautbois, hautbois d’amour et dir.; Stephen Bard, hautbois; Mika Putterman, traverso; Hélène Plouffe, violon et alto; Kathleen Kajioka, alto; Karen Kaderavek, violoncelle; Erin Helyard, clavecin
Atma classique ACD2 2593
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Si Johann Gottlieb Janitsch est un compositeur inconnu, ce n’est pas faute de talent, mais bien parce que la plus grande partie de son œuvre a disparu lors de la Seconde Guerre mondiale. Heureusement, vingt-sept quatuors survivent, dont Atma entreprend ici l’édition, audacieux projet discographique appelé à faire date. Les œuvres révélées dans ce premier volume, pour la plupart inédites, sont en effet du meilleur cru. Actif à la cour de Frédéric II de Prusse, Janitsch développe un langage personnel raffiné où l’art du contrepoint savant hérité de la tradition côtoie l’esprit galant des frères Graun et le style fantasque de Carl Philip Emmanuel Bach. Pour notre plus grand plaisir, chaque pièce est présentée dans une instrumentation différente et souvent inusitée, voire rarissime, dont la seule mention est déjà prometteuse (flûte traversière, hautbois et hautbois d’amour, deux hautbois et un alto, hautbois d’amour et deux altos et ainsi de suite). Les musiciens du jeune ensemble montréalais Notturna, dont c’est ici le premier disque, maîtrisent parfaitement leurs instruments et en exploitent tout le grain sonore en de savoureux échanges colorés. Néanmoins, l’ajout d’une contrebasse ou d’un basson serait peut-être souhaitable, afin d’insuffler plus de vigueur au continuo, ici un peu en retrait.

- Philippe Gervais

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Thursday, July 9, 2009

Handel: Chandos Anthems

Emma Kirkby, soprano; Iestyn Davies, alto; james Gilchrist, tenor; Neal Davies, bass
The Choir of Trinity College, Cambridge; Academy of Ancient Music/Stephen Layton
Hyperion CDA67737 (66 min 9 s)
***** $$$

Le duc de Chandos, immensément riche, se fit construire, comme le faisaient les aristocrates de l’époque, une gigantesque demeure à la mesure de sa fortune. Sauf qu’il décida de se payer également un ensemble musical personnel et un lieu magnifique pour y entendre les concerts de la plus belle musique existante. C’est comme si un milliardaire d’aujourd’hui se faisait ériger une salle de concert ou une maison d’opéra avec grand orchestre. Fantasme ? Oui, mais à une certaine époque pas si lointaine, et dans un autre pays, cela relevait de la réalité. Les Hymnes, ou Anthems, composés par Haendel pour le duc sont des exemples de la vitalité haendelienne à son plus brillant et admirablement contagieux. Pour ceux qui aiment les Coronation Anthems, le plaisir sera vite retrouvé dans ces œuvres irrésistibles. Les solistes sont impeccables. Emma Kirkby est toujours aussi lumineuse et la basse puissante et gracile de Neal Davies est particulièrement séduisante. La direction solide et précise de Stephen Layton contribuent fortement à la force de cette musique. Une très belle réussite.

- Frédéric Cardin

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A French Collection : Pièces de clavecin

Skip Sempé, clavecin
Paradizo PA0007 (62 min 11 s)
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C’est une sélection des plus colorées que propose Skip Sempé dans son récent disque consacré aux pièces de clavecin françaises du XVIIIe siècle. Presque toutes sont à peu près inconnues, à l’exception de la flamboyante Marche des Scythes de Joseph Nicolas Pancrace Royer qui clôt le disque dans un feu d'artifice de virtuosité. Ce sont donc d’heureuses découvertes que Les Grâces de Jacques Duphly et Les Etoiles de Michel Corrette, véritables joyaux d’une tendresse exquise. Le jeu de Sempé est sensible et raffiné, mais il prend des libertés discutables quant au texte, notamment en ce qui a trait aux reprises et à l’ornementation. C’est par contre un plaisir que d’entendre dans une prise de son aussi chaleureuse un son de clavecin à la fois clair et riche qui saura séduire toutes les oreilles, les amoureux de clavecin tout comme ceux qui restent à convaincre. Un beau disque de découvertes à déguster.

- Camille Rondeau

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Wednesday, July 8, 2009

Stravinsky: The Ballets – Robert Craft Edition

Various Artists
Naxos 8.506009 (6 CD : env. 7 h 30 min)
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Au premier regard, l’amateur s’étonne du fait que plusieurs opéras font partie du coffret. L’explication est toute simple : Naxos a regroupé toutes ses parutions de ballets existantes avec Craft à la barre (en conservant jusqu’aux boîtiers et pochettes), qu’elles incluent d’autres genres ou non. Évidemment, cela désavantagera l’offre pour les mélomanes, les plus scrupuleux optant avec raison pour l’achat « à la pièce » de leurs œuvres préférées – surtout lors des fréquentes promotions des produits Naxos. Cela étant dit, les mordus de Stravinsky ne devraient pas se casser la tête et se procurer directement ce généreux coffret, malgré des versions peu mémorables de L’Oiseau de feu et de Petrouchka. Car Les Noces et les Scènes de ballet sont époustouflantes et nombre de lectures sont supérieures à la moyenne (notamment Agon, Oedipus Rex, Capriccio pour piano et orchestre).

- René Bricault

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Mediterranea

Alla Francesca (Brigitte Lesne, chant, harpe médiévale, harpe gothique, percussions; Pierre Hamon, flûtes à bec, traversière bansuri, double flûte, flûte et tambour, cornemuse; Carlo Rizzo, tammorra, tamburello, tambourins, chant)
Zig Zag Territories ZZT 090402 (63 min 14 s)
**** $$$$

Cet enregistrement reflète les multiples visages d’une Méditerranée millénaire, visages nostalgiques ou enjoués, mystiques ou sensuels, selon la perception qu’en ont eu les peuples qui ont vécu sur ses bords ou dans ses îles. C’est dans des langues encore mal dégagées du latin (occitan, castillan, florentin, napolitain) que sont donnés ces chants dont la plupart remontent au Moyen Âge ou sont traditionnels; la traduction fournie par le livret s’avère indispensable. Leur communauté d’inspiration saute aux oreilles, pourrait-on dire, et les thèmes traités, religieux ou profanes, de la berceuse au chant d’amour, sont universels. Malheureusement, on se rend compte un peu trop vite de cette communauté, en raison d’atmosphères et de rythmes qui frôlent la monotonie. Le chant témoigne certes de science et de conviction, mais la réalisation est trop limitée par l’instrumentation typique de la flûte et du tambourin. Un document qui devrait intéresser le musicologue et l’historien des civilisations.

- Alexandre Lazaridès

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Mozetich: Lament in the Trampled Garden; Angels in Flight; Hymn of Ascension; Scales of Joy and Sorrow

Erica Goodman, harp; Nora Shulman, flute; Shalom Bard, clarinet; Christopher Dawes, harmonium; Penderecki String Quartet; The Gryphon Trio
Centrediscs CMCCD 14009 (62 min 24 s)
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Le Canadien Marjan Mozetich (né en 1948 de parents slovènes) est l’un des compositeurs les plus en demande aujourd’hui au pays. On peut comprendre pourquoi. Le type de néo-impressionnisme teinté de minimalisme qu’il défend est très en vogue dans la musique de film et procure un plaisir instantané à un public néophyte en création musicale contemporaine. Plusieurs critiques du compositeur qualifient volontiers sa musique de superficielle. Or, bien que la couleur et le trait prennent beaucoup de place dans son écriture, l’auditeur attentif aura quand même le plaisir de goûter à la substance qui se camoufle derrière le joli colorisme. Angels in Flight (pour quatuor à cordes, harpe, flûte et clarinette) suggère habilement le vol délicat de quelques légers chérubins. Lament in the Trampled Garden (pour quatuor à cordes) est une lamentation sur le destin tragique d’une nature piétinée par l’homme. Quelque part entre Philip Glass et Henryk Górecki, cette œuvre exprime avec force les considérations environnementalistes du compositeur. Hymn of Ascension juxtapose audacieusement cordes et harmonium. Cette pièce est la plus sombre du programme, mais aussi la plus poignante. Scales of Joy and Sorrow (pour violon, violoncelle et piano) nous transporte dans un cinéma musical empreint de nostalgie et de mélancolie.

- Frédéric Cardin

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Tuesday, July 7, 2009

Janáček: Orchestral Suites from the Operas – 2

Vesa-Matti Leppanen, violin
New Zealand Symphony Orchestra/Peter Breiner
Naxos 8.570556 (70 min 31 s)
**** $

La suite orchestrale est généralement le sous-produit d’une œuvre de plus grande envergure (ballet, musique de scène, opéra) qui avait pendant longtemps une fonction de diffusion, un peu comme la bande-annonce au cinéma. Certaines de ces suites se sont cependant imposées au répertoire – que l’on pense seulement à celles tirées de l’Oiseau de feu ou de Peer Gynt. En ce qui concerne Janáček, seule La petite renarde rusée à fait l’objet d’une suite symphonique en deux mouvements, jouée à l’occasion par les grands orchestres de ce monde. Voici que le compositeur, arrangeur et chef d’orchestre Peter Breiner propose ses arrangements symphoniques des opéras de son compatriote tchèque. Le tout est musicalement sans faille : ces suites sont habilement arrangées et structurées, reprenant les passages les plus significatifs des opéras dont elles sont issues. De plus, l’orchestre symphonique de Nouvelle-Zélande fait preuve d’une sonorité d’ensemble exemplaire, avec en prime une riche section de cordes et une grande diversité de coloris dans les vents. La seule question qui s’impose est la suivante : pourquoi acheter un disque de suites orchestrales alors que l’intégrale de ces opéras est nettement plus satisfaisante ? Question de goût j’imagine. Ce sera au consommateur de trancher.

- Éric Champagne

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Gustav Mahler: Symphonie No 1

Bamberger Symphoniker/Jonathan Nott
Tudor SACD 7147 (55 min 25 s)
**** $$$$

Dommage que les harmoniques aux cordes et les trompettes en coulisse se perdent tant face aux bois plus costauds dans l’introduction du premier mouvement, car ces derniers font preuve d’un extraordinaire équilibre entre eux, un vrai plaisir à entendre. Le reste du mouvement ne peut se jouer plus lentement, car on frise déjà l’insupportable. (Ici, la nature ne s’éveille pas, mais paresse au lit par un beau dimanche matin.) Cette lenteur donne aux dynamiques dernières mesures un caractère de débarras expéditif – ce ne sera d’ailleurs pas la seule fois. L’excellent second mouvement se passe de critique, avec son rythme piquant et ses sonorités opulentes mais sans lourdeur. Le troisième contient juste assez d’ironie pour passer la rampe, et le quatrième serait recommandable n’eût été, entre autres, l’étrange transition entre phrases vers 1:40. Montage ?. Bravo aux exceptionnels percussionnistes, seuls éléments vraiment « essentiels » de ce disque.

- René Bricault

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Telemann: Brockes-Passion

Birgitte Christensen, Lydia Teuscher, sopranos; Marie-Claude Chappuis, mezzo-soprano; Donát Havár, Daniel Behle, tenors; Johannes Weisser, baritone
RIAS Kammerchor; Akademie für Alte Musik Berlin/René Jacobs
Harmonia Mundi HMC 902013.14 (2CD: 2 h 19 min 51 s)
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On l’a souvent dit, si Bach n’avait pas existé, la stature de Telemann en aurait été changée pour la postérité. En fait, c’est une sorte de révélation que cette Brockes-Passion sous la baguette inspirée de René Jacobs à la tête d’un ensemble dont la maîtrise du répertoire baroque est notoire. La beauté purement instrumentale ressort bien ici, grâce à l’orchestration constamment inspirée de Telemann, à commencer par la saisissante Sinfonia inaugurale qui semble ouvrir sur le mystère. Là où Bach nous montrait la Passion du Fils de Dieu et nous aspirait vers le haut, Telemann semble voir le drame d’un homme souffrant et par moments véhément, « humain, trop humain », pourrait-on dire. Le réalisme presque physique souligné dans plusieurs numéros, comme la description musicale de la douleur que peut causer une couronne d’épines, fait frissonner. Par ailleurs, l’art d’animer un dialogue ou les scènes de foule est celui d’un homme de théâtre. Si l’on peut trouver quelques duretés aux sopranos, les solistes sont néanmoins justes et le chœur, très sollicité par cette immense composition, l’est également. Prise de son irréprochable.

- Alexandre Lazaridès

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Monday, July 6, 2009

Handel: Rodrigo

María Bayo, Sharon Rostorf-Zamir, Anne-Catherine Gillet, soprano; Maria Riccarda Wesseling, mezzo-soprano; Max Emanuel Cencic, countertenor; Kobi van Rensburg, tenor; Al Ayre Español/Eduardo Lopez Banzo
Ambroisie AM 132 (3CD)
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Rodrigo est le premier opéra qu’écrivit Haendel lors de son séjour de formation en Italie, et on y retrouve la fougue et la fraîcheur qui caractérisent les plus belles œuvres de cette période, comme le Dixit dominus et la Résurrection. Les airs de Rodrigo sont généralement courts, mais toujours finement caractérisés et souvent virtuoses. C’est toute la palette des affects baroques dont s’empare ici le jeune Haendel, avec une assurance qu’auraient pu lui envier bien des compositeurs italiens. L’œuvre avait déjà été enregistrée par Alan Curtis en 1999, mais la présente version s’avère infiniment supérieure. Eduardo Lopez Banzo dirige un orchestre sensationnel, dont la vigueur et la précision ne sont pas sans rappeler les Musiciens du Louvre, qui servaient jadis si bien ce répertoire. Sous la baguette du chef espagnol, même les récitatifs prennent vie et n’ennuient jamais, soutenus par un magnifique clavecin de facture italienne. Exception faite du chant un peu maniéré de Maria Bayo, la distribution est plus que satisfaisante. Si le Rodrigo de Maria Riccarda Wesseling séduit dès le premier air, on aura tôt fait d’apprécier aussi l’agilité d’Anne-Catherine Gillet, le timbre androgyne de Max Emanuel Cencic et la bravoure du ténor Kobie van Rensburg, très sollicité ici. Un incontournable pour tout amateur de Haendel.

- Philippe Gervais

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Grey: Enemy Slayer: A Navajo Oratorio

Scott Hendricks, baritone
Phoenix Symphony Chorus; Phoenix Symphony/Michael Christie
Naxos 8.559604 (68 min 43 s)
*** $
La création en 2007 de cet oratorio « navajo » a remporté un immense succès local en Arizona, et tant mieux pour la musique contemporaine. Cette rencontre inhabituelle entre l’univers amérindien et le monde moderne occidental se décline ici à travers le processus de guérison, de rédemption et de résurrection spirituelle d’un soldat d’origine autochtone revenu d’Irak blessé, physiquement et mentalement. À la fois une critique de la guerre et une main tendue vers la communauté amérindienne, cet oratorio a plusieurs qualités. Par contre, la musique de Grey manque d’originalité et d’inventivité. L’occasion aurait été belle de créer un dialogue non seulement conceptuel et thématique, mais véritablement musical avec la culture autochtone. Au contraire, ce que l’on entend ici, c’est du John Rutter ou de la musique de film avec plus de dissonances. Rien de désagréable, mais rien non plus de vraiment surprenant. Pour le principe surtout, pour la musique, un peu.

- Frédéric Cardin

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Wednesday, February 18, 2009

Debussy : Préludes pour piano, Livres 1 et 2

Ivan Ilić, piano
Paraty 108.105 (75 min 40 s)
*** $$$$

Le choix audacieux d’aligner les 24 Préludes de Debussy dans un ordre tout autre que celui dans lequel ils ont été publiés fait espérer l’avènement d'un artiste aux idées musicales originales. Ivan Ilić, jeune pianiste serbe installé à Paris, affiche une technique à peu près impeccable, suit scrupuleusement les indications métronomiques et exécute les rythmes, complexes, avec une souplesse louable, mais jamais on n’entend chez lui l’ombre d’un travail de sonorité; les forte sont claqués, même sous le sans dureté clairement indiqué par Debussy, et les piani sont inexistants ou détimbrés. On se demande comment un pianiste vraisemblablement aussi compétent qu’Ilić peut jouer avec une telle froideur et une telle inconscience de ce qui passe, ou plutôt ne passe pas les micros. On attend le chant, la résonance dans les géniales pages de Debussy, et on se surprend à entendre mourir des sons sans vie. Bruyères et Les danseuses de Delphes sont particulièrement pénibles, mais ce jeu impassible sied curieusement bien aux préludes plus humoristiques; Minstrels et General Lavine – eccentric sont même assez réussis. On attend en vain une vraie atmosphère, un contraste, une couleur, un élan. L’exécution parfaite et morne d’un bon élève, exempte de toute poésie.

- Camille Rondeau

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Thursday, January 15, 2009

Bartók: Divertimento, Musique pour cordes, percussions et célesta, Danses populaires roumaines (arr. Zeitouni)

Les Violons du Roy / Jean-Marie Zeitouni
Atma ACD22576 (64 min 47 s)
**** $$$

Les Violons du Roy proposent un Bartók opulent, dansant, mesuré. Ils prennent littéralement d'assaut les enceintes acoustiques par la richesse de leur timbre, tant individuel que collectif. Des tempi souples, dénués d’exagération, et un phrasé clairement découpé – tout est mis en œuvre, d’un point de vue technique, pour rehausser le plaisir du jeu. Par contre, seront déçus ceux qui, comme moi, préfèrent un Bartók délirant, sauvage, qui fusionne la plus brute authenticité folklorique avec la plus haute sophistication d’écriture. Ces mélomanes pourront se dire nostalgiques du passé, mais un fait demeure : les Violons du Roy ont le poids de la légitimité musicale de leur côté.

- René Bricault

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Wednesday, January 14, 2009

Lieder Recital: Schubert, Schumann, Brahms, Strauss

Nathan Berg, bass baritone; Julius Drake, piano
Atma Classique ACD2 2571 (67 min 27 s)
**** $$$

C’est une entreprise audacieuse que de programmer quatre grands noms du lied romantique et post-romantique dans un même récital. Les exigences sont considérables, et Nathan Berg, un Saskatchewanais de naissance, ne les relève pas toutes. Les Sechs Gedichte op. 90 de Schumann sont un peu raides, et les Quatre Chants sérieux op. 121 de Brahms manquent décidément d'intensité, surtout quand on se rappelle l'interprétation qu'en a donnée un Fischer-Dieskau. En revanche, les six lieder de Schubert conviennent bien à Nathan Berg; le baryton-basse trouve la variété de timbre voulue pour représenter le narrateur et les trois protagonistes de Erlkönig, sans doute la piste le plus mémorable de ce CD. Quatre lieder de Richard Strauss, composés dans la dernière décennie du XIXe siècle, complètent de façon convaincante le programme. L’accompagnement de l’excellent Julius Drake vole par moments la vedette au chanteur.

- Alexandre Lazaridès

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Bach: Goldberg Variations (arr. Sitkovetsky)

Jonathan Crow, violon; Douglas McNabney, alto; Matt Haimovitz, violoncelle
Oxingale OX 2014 (73 min 26 s)
***** $$$$

On apprête le génie de Bach à toutes les sauces. Les arrangements pour cordes de chefs-d’œuvre tels l’Art de la fugue par Marriner chez Philips ou les Variations Goldberg de Labadie chez Dorian comptent parmi les réussites. Jumelant l’intimité du clavier et l’expressivité de voix individuelles au timbre complémentaire, le trio à cordes jouit d’un avantage naturel pour les Variations. N'étaient d'une réverbération un tantinet excessive et de la tendance de Haimovitz à laisser échapper des frottements d’archet dans les passages rapides, ce serait le bonheur, car virtuosité et cohérence sont au rendez-vous. L’ensemble exhale la sobriété moderne et la passion romantique, mais dans un tel respect de l’esprit de la partition que sa prestation ne dégage aucune impression d’anachronisme. Voici un disque qui vous suivra longtemps.

- René Bricault

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Tuesday, January 13, 2009

Bach: The Masterworks

Artistes variés
Brilliant Classics 93668 (40 CD, env. 42 heures)
*** $$$$

À environ trois dollars le disque, taxes incluses, voilà une véritable aubaine. À ce prix le coffret ne contient pas de livret, mais les pochettes individuelles donnent une information de base et le boîtier, une « table des matières ». La présentation est logique (successivement: œuvres pour orchestre, musique pour claviers, musique de chambre, musique vocale) et le choix des œuvres, assez judicieux. Mais on s’interroge quand même : pourquoi sept disques de cantates ET les deux Passions (entre autres œuvres vocales) mais pas la Messe en si mineur ? Et pourquoi tant de musique pour clavecin et orgue mais pas l’Art de la fugue ? Au moins peut-on écouter les œuvres en format intégral, cela console un peu… Les enregistrements (réalisés entre 1987 et 2006) font majoritairement appel aux instruments d’époque et leur qualité sonore est tout à fait acceptable. En ce qui a trait à l’interprétation, on est loin de la perfection : une trompette chancelante dans le second Brandebourgeois, des tempi ennuyants de régularité dans les Partitas pour clavecin, un archet mal maîtrisé dans les Sonates et Partitas pour violon, un florilège de trilles inhabituels dans la célèbre Toccate pour orgue, des prestations vocales honnêtes mais sans éclat, et, surtout, une erreur d’inversion des deux disques de Suites pour violoncelle (du moins dans le coffret reçu à La Scena). Mais le rapport qualité/prix reste bon et l'ensemble est très recommandable, surtout si vous lorgniez déjà en direction des gros coffrets.

- René Bricault

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Folk Mass

Mark O’Connor, violon ; Elizabeth C. Patterson ; Gloriæ Dei Cantores
OMAC - 10 (57 min 47 s)
**** $$$$

Mark O’Connor (né en 1961) est un violoniste « folk » américain (ce que nous, Québécois, appellerions un « violoneux ») aussi amateur de reels et de rigodons du type bluegrass, que de concertos, de musique de chambre et de collaborations avec les artistes classiques les plus en vue aux États-Unis (Yo-Yo Ma et Joshua Bell, entre autres). Ce touche-à-tout souvent inspiré a écrit il y a quelques années un concerto pour fiddler (violoneux) et orchestre qui constitue désormais une œuvre-phare du répertoire appelé à rapprocher les cultures « savante » et « populaire » chez nos voisins du Sud. L’œuvre présentée ici vise le même noble objectif dans le domaine sacré. Extraits de l’Ancien Testament, les textes évoquent le voyage jalonné de conflits, de douleur et d’adversité du peuple juif, depuis le premier appel de Yahvé jusqu’à la rédemption finale. O’Connor est ici plus austère que dans ses œuvres précédentes, mêlant non sans intelligence les mélodies populaires aux allusions polyphoniques ou grégoriennes. Le résultat, certainement moins populiste que ses précédents opus, est également une œuvre plus raffinée et plus exigeante, baignant dans des harmonies d’une grande beauté.

- Frédéric Cardin

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Monday, January 12, 2009

Bruckner, Wagner: Symphony No. 9, Siegfried-Idyll

The Philharmonic-Symphony Orchestra / Bruno Walter
Music & Arts CD-1212(1) (67 min 16 s)
** $$$

Quel mauvais enregistrement : la prise de son trahit ses cinquante ans passés, les bruits émanant du public sont très gênants, les erreurs de synchronisation et de justesse écorchent l'oreille. Mais ce disque n'est pas seulement un document d'archives historico-musicologique. En effet, Walter donne ici, malgré tous ces défauts, une solide leçon de direction. Son approche n'est ni exagérément subjective ni trop technique. Il fait simplement de la musique – en toute honnêteté, et avec naturel. À une époque où l'orchestre symphonique est au cœur de l'expérience du concert, on sent les musiciens à l'aise dans leur rôle de professionnels. Comme quoi les réputations ne sont pas toujours surfaites, même si les figures mythiques poussent parfois les producteurs à commercialiser ce qui ne devrait pas l'être.

- René Bricault

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Sunday, January 11, 2009

Bach: Violin Concertos in A minor and E major; Gubaidulina: In tempus praesens

Anne-Sophie Mutter, violin; London Symphony Orchestra / Valery Gergiev
DGG 4777450 (63 min 47 s)
**** $$$

Anne-Sophie Mutter souffle le chaud et le froid avec ce disque, porteur de tensions stylistiques et interprétatives extrêmes dans son contenu: deux « magnum opus » du grand JSB, suivis d’une œuvre contemporaine sans compromis de la Russe Sofia Gubaïdulina. Mutter attaque les concertos de Bach avec beaucoup de retenue, trop même. Sa lecture est extrêmement polie, voire poncée jusqu’à élimination presque totale de la fantaisie qui illumine l’humanité intrinsèque de Bach. Au contraire, son violon sauvage et déchaîné dans In tempus praesens de Gubaïdulina transporte l'auditeur dans l'apocalypse. Ici Mutter, passionnée qu'elle est par cette musique si intransigeante, abandonne toute réserve et s’affirme comme l’une des grandes interprètes du violon contemporain. Soit, on devine parfois longtemps à l’avance où mèneront, ici les entrées de l’orchestre, là les soliloques de la soliste, là encore les déchirements de cuivres. Ce type d'oeuvre est devenu bien prévisible. Mais cela n’enlève rien à son excellence, ni à celle de tous les musiciens qui l’expriment ici haut et fort.

- Frédéric Cardin

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Current: This isn’t silence

Artistes variés
Centrediscs CMCCD 12607 (56 min 50 s)
**** $$$

Dès les premières mesures, le compositeur canadien Brian Current expose son credo esthétique : appliquer les techniques révolutionnaires de Xenakis sur un matériau moins dissonant. Là où le célèbre Grec fait preuve d’une rigueur mathématique sophistiquée, Current est au contraire très ludique. Ne répugnant pas aux accords classés, voire aux bribes de cellules répétées à la Glass, ces morceaux pour orchestre font aussi penser par moments à de la musique de film. Mais qu’on ne s’y trompe pas : la violence et le muscle de Xenakis y sont, même s'ils font moins peur. L’interprétation et la qualité de l’enregistrement n’ajoutent ni n'ôtent quoi que ce soit aux oeuvres – si on a craint bien pire, on aurait souhaité mieux. En cette époque d'insensibilité fédérale à l'égard des artistes, on devrait s’intéresser davantage au travail de nos compatriotes. Voici un excellent candidat à considérer.

- René Bricault

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Saturday, January 10, 2009

Biber: Fidicinium Sacro Profanum

Les Plaisirs du Parnasse / David Plantier, violon & dir.
Zig-Zag Territoires ZZT080701 (71 min 49 s)
**** $$$$

L’esthétique musicale du XVIIe siècle s’est longtemps attachée à distinguer la musique sacrée de la musique profane, du moins en théorie. En pratique, les compositeurs se sont eux-mêmes de moins en moins souciés de la différence. Le recueil de Biber, restitué ici par David Plantier avec les sept musiciens des Plaisirs du Parnasse, illustre ce goût pour le mélange des genres. Le Fidicinium Sacro-Profanum (1683) comprend douze Sonates de trois à huit mouvements et de durée variable; l’écriture elle-même est étourdissante de variété et de virtuosité. À vrai dire, l’auditeur est plus impressionné que touché par cette musique où s'entremêlent le sacré et le profane. Les interprètes viennent à bout de toutes les difficultés, mais sans nous convaincre de l’égale valeur de ces Sonates. Par ailleurs, la prise de son trop proche crée une enflure sonore qui ne sert pas le recueil.

- Alexandre Lazaridès

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Glass: Portrait

Angèle Dubeau & La Pietà
Analekta AN 2 8727 (65 min 35 s)
****** $$$

Ce nouvel opus d’Angèle Dubeau accompagnée de La Pietà est le meilleur de tous, un envoûtement même. La facture à la fois très contemporaine et romantique de l’univers hypnotique de Philip Glass sied merveilleusement à l’ensemble, qui a obtenu la permission du compositeur lui-même (privilège rarissime, semble-t-il) de ré-interpréter ses œuvres en version « arrangée ». Le résultat est très heureux. Les cordes de La Pietà, aidées par l’excellente prise de son de Carl Talbot, résonnent avec somptuosité. La musique, on l’a dit, est hypnotique dans le sens positif du terme. Une impression de doux flottement submerge l'auditeur; il imagine facilement un ciel scintillant d’étoiles vibrant au rythme de son pouls et tournant doucement comme dans une lente sarabande. Ce disque est infiniment plus satisfaisant que les arrangements pop ou autres réductions édulcorées d’œuvres orchestrales proposés précédemment par La Pietà. Un beau filon qui pourrait être parfaitement complété par le Concerto pour violon de Glass, que Mme Dubeau a déjà étudié attentivement et qui figure parmi les chefs-d’œuvre du XXe siècle.

- Frédéric Cardin

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Thursday, January 8, 2009

Moravec: Cool Fire

Bridgehampton Chamber Music Festival
Naxos 8.559393 (45 min 30 s)
*** $

Entre le climat d’ingénuité (sincère ou affectée) du post-modernisme et la rigueur (justifiée ou non) de l’avant-garde se trouve un terrain d'expression plus indéterminé occupé par quelques rares compositeurs, dont Paul Moravec. Sa sensibilité mélodique, ses textures légères, son humour subtil et ses formes nettes deviendraient facilement risibles si l'écriture n'était à ce point achevée; ne pourrait-on pas en dire autant d’un certain Haydn ? L’auditeur ne semble pas le seul désarçonné : en effet, les interprètes gagneraient à jouer plus de Bartók avant de s’attaquer aux tempi vigoureux et mordants de Moravec. (Déplorons aussi, au passage, le timbre mince de la flûte de Martin et la brièveté de l'enregistrement.) Il n'empêche, on s’amuse ferme à écouter cette musique tout ce qu'il y a de plus légitime.

- René Bricault

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Shostakovich, Weinberd, Ichmouratov

Trio Muczynski (Airat Ichmouratov, clarinette; Luo Di, violoncelle; Evgenia Kirjner, piano); I Musici de Montréal / Yuli Turovsky
Analekta AN 2 9899 (58 min 33 s)
***** $$$
Yuli Turovsky poursuit avec ce nouveau disque son exploration d’un répertoire méconnu, situé quelque part entre le classicisme et le modernisme, foncièrement ancré dans le tonalisme mais jamais sentimental. Chostakovitch y figure, bien sûr, Turovsky demeurant fidèle à ses racines musicales et civiques. Prélude et Scherzo est une œuvre de jeunesse, souriante malgré des accents prémonitoires des vicissitudes qui attendent le compositeur. Le nom de Mieczyslaw Weinberg (1919-1996), un ami proche de Chostakovitch, est encore obscur aujourd’hui, et c’est dommage. Sa musique est le prolongement direct de l’œuvre de celui qui fut sa principale influence stylistique. Avec 23 symphonies, 7 opéras, 17 quatuors à cordes, des ballets et j'en passe, Weinberg mérite de voir les amateurs de musique du 20e siècle fouiller son œuvre. Cette Symphonie de chambre rappelle Chostakovitch, mais n’en est pas un sous-produit. Pleine de vie, incisive, parfois sarcastique, elle est également tendre et introspective. Une magnifique découverte. Airat Ichmouratov (né en 1973) est installé à Montréal depuis déjà de nombreuses années. Ses Danses fantastiques mêlent agréablement l’esthétique chostakovitchienne avec les sonorités klezmer si chères à la diaspora juive. Les Musici jouent avec aplomb et conviction.


- Frédéric Cardin

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Saturday, December 27, 2008

Debussy/Poulenc : Sonate pour violoncelle et piano

Jean-Guihen Queyras, violoncelle ; Alexandre Tharaud, piano
Harmonia Mundi HMC 902012 (62 min 47 s)
***** $$$
Le tandem Queyras-Tharaud nous avait donné, il y a deux ans, une interprétation remarquable de la Sonate "Arpeggione" de Schubert. Il lui avait accolé des pièces de Webern et de Berg, comme pour marquer une filiation entre le premier et les seconds, tous trois nés à Vienne mais à un siècle d'écart. Dans ce nouvel enregistrement, les interprètes rapprochent deux compositeurs dont les univers ne se touchaient pas mais qui se réclamaient l'un et l'autre de la grande tradition française représentée par Couperin et Rameau, qu’ils estimaient menacée par l’influence germanique. L’un et l’autre ont écrit une sonate pour violoncelle et piano. Celle de Debussy est souvent jouée. Celle de Poulenc, en revanche, est sous-estimée. Elle présente pourtant des qualités et son deuxième mouvement, une Cavatine, est fort beau. Diverses pièces plus légères, dont des transcriptions, complètent le programme. L’interprétation, autant chez Queyras que chez Tharaud, est d’une finesse toute française. Les notes du livret, très intéressantes, sont signées Anne Roubet.

- Alexandre Lazaridès

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Monday, December 22, 2008

Tan Dun : The First Emperor

Plácido Domingo, Elizabeth Futral, Michelle De Young, Paul Groves, Hao Jiang Tian, Wu Hsing-Kuo; The Metropolitan Opera Orchestra, Chorus, and Ballet / Tan Dun
Production : Zhang Yimou
Director : Brian Large
EMI Classics 50999 2 151299 5 (2 DVD : 177 min)
**** $$$$
Cette production du Met est d’abord un spectacle, et vaut plus par ce que l’on voit que par ce que l’on entend. Les costumes sont somptueux et la scénographie impressionne par son caractère monumental ; il n’en fallait pas moins pour accueillir plus d’une centaine de choristes et de figurants dont les déplacements sont chorégraphiés comme une liturgie. Le sujet de ce quatrième opéra de Tan Dun, créé en 2006, est plutôt mince : le premier empereur chinois, celui-là même qui fit édifier la première Grande Muraille et mit fin au belliqueux régime féodal, exige d’un compositeur ennemi qu’il lui écrive un hymne national. Le compositeur tombe amoureux de la fille de l’empereur, laquelle est déjà promise à l’un des fidèles généraux du royaume Qin... La fusion entre l’art musical de la Chine et celui de l’Occident dont Tan Dun s’est fait le champion n'est pas consommée. Si l’écriture orchestrale est souvent séduisante, les chanteurs ont du mal à rendre des lignes vocales rendues périlleuses par des sauts incessants de l’aigu au grave propres à l’opéra chinois. Plácido Domingo ne semble pas à l'aise en premier empereur; les autres chanteurs ne le sont pas davantage.

- Alexandre Lazaridès

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Sunday, December 21, 2008

Maxwell Davies : Naxos Quartets 9 & 10

Maggini Quartet
Naxos 8.557400 (63 min 54 s)
**** $
Peter Maxwell Davies semble s’être bien amusé à remplir la commande de l’étiquette Naxos pour la composition de dix quatuors, dont ce disque représente l'étape finale. Il en a fait un véritable exercice d’exploration formelle: approche familière pour les deux premiers, mouvement unique pour les Quatrième et Huitième, collections hétéroclites pour les Troisième (Marche, Fugue, 4 Inventions et Hymne…) et Dixième (Reel, Air, Passamezzo, Hornpipe…), séquence de sept mouvements lents pour le Septième, etc. Le style hautement référentiel du Britannique se reconnaît partout, mais de façon subtile : les passages tonaux sont brefs, comme pour rappeler la source de la déconstruction – on sent la référence plus qu’on ne l’entend, ce qui s’avère efficace d’un point de vue dramatique. Le tout est assez bien livré par les Maggini, et c'est heureux, car il y a fort à parier que la prochaine version intégrale de ces quatuors n'est pas pour demain.

- René Bricault

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Saturday, December 20, 2008

François Couperin : Pièces de violes

Philippe Pierlot, Emmanuel Balssa, basse de viole ; Eduardo Egüez, théorbe et guitare ; Pierre Hantaï, clavecin
Mirare MIR 040 (67 min 58 s)
****** $$$$
Dès le Prélude (marqué Gravement) de la Première Suite qui ouvre le programme de ce remarquable CD, on est conquis par le mélange de retenue et de noblesse que les quatre musiciens insufflent au chef-d’œuvre de Couperin ; leur cohésion est telle qu’on croirait avoir affaire à un seul instrument, d’une magnifique complexité. L’auditeur sera charmé jusqu’à la fin, notamment par la saisissante Sarabande Grave et la Passacaille ou Chaconne de cette même Première Suite, et par la longue Pompe Funèbre (Très gravement) de la Deuxième Suite. En dépit de son titre, celle-ci ne comprend que quatre mouvements, libérés de la contrainte traditionnelle des rythmes de danse. En complément se trouvent deux Concerts formés de transcriptions de pièces tirées des Ordres pour clavecin. Sans atteindre les vertigineux sommets des Suites, ces Concerts ne manquent pas d’intérêt. Les notes de programme, très instructives, sont signées Philippe Beaussant. Par son raffinement, cette nouvelle version des Suites détrône celle, intense mais pesante, qu’en avait donnée Jordi Savall (Astrée, 1976/1988).

- Alexandre Lazaridès

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Friday, December 19, 2008

Von Klenau: String Quartets 1, 2 and 3

Sjaelland String Quartet
Dacapo 8.226075 (70 min 11 s)
*** $$$$
À défaut de parenté plus évidente, la musique de Paul von Klenau a été comparée à celle de son ami Alban Berg. Toutefois, des nuances s'imposent : chez le premier, la conception des structures macroscopiques est plus traditionnelle et carrée, le déploiement dans la phrase est plus fantaisiste, moins rigoureux, et la technique de conciliation entre dodécaphonisme et tonalité s’avère beaucoup plus transparente. Les interprètes, moins exceptionnels que les autres quatuors auxquels nous a habitué l’excellente étiquette (mais tout de même fort corrects), ont opté pour une lecture très intimiste. Le résultat est parfois sclérosé, ce qui ne l'empêche pas de toucher par moments au délicieux et mystérieux état de grâce propre à l’expressionnisme germanique.

- René Bricault

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Thursday, December 18, 2008

Martha Argerich: Evening Talks

Un film de Georges Gachot
Excerpts by Beethoven, Piazzola/Hubert, Liszt, Chopin, Ravel, Prokofiev, Bach, Schumann, Saint-Saëns, Dvořák, Lutoslawski
Medici arts 3073428 (101 min)
***** $$$$
Incandescente, imprévisible, insaisissable, Martha Argerich se révèle très rarement autrement que dans ses interprétations. Georges Gachot propose ici un rare portrait, où la pianiste argentine se confie avec une candeur saisissante. On voit sa main s’attarder sur sa chevelure mythique, son regard de braise brûler la pellicule pendant qu’elle évoque, en phrases elliptiques, son premier choc musical à six ans (le Quatrième Concerto de Beethoven par Arrau), ses mois d’apprentissage avec l’iconoclaste Friedrich Gulda, ses succès en concours, son premier refus de jouer en concert (à 17 ans !), sa volonté d’être continuellement surprise par la musique. Elle transmet son amour pour Ravel, Prokofiev, Schumann – « Je crois qu’il m’aime bien », avance-t-elle avec un sourire désarmant. Argerich dévoile aussi pendant quelques instants troublants sa vulnérabilité envers l’expérience de concert, l’intensité de sa panique, sa terreur des récitals en solo (d'où sa préférence pour les collaborations en tant que chambriste).
On reste fasciné par l'ampleur de ce qu’elle ose révéler dans le quasi-soliloque, capté en une seule soirée post-concert par Gachot en 2001, qui sert de fil conducteur au film. L’émotion du specateur est encore plus vive quand il la (re)découvre grâce à des documents d’archives, dans une Rhapsodie hongroise de Liszt interprétée adolescente, un sublime Concerto en mi mineur de Chopin à Paris en 1969, un électrisant Troisième de Prokofiev en 1977 ou même en répétition avec l’Orchestre de chambre de Wurtemberg dans un Concerto de Schumann tout en fluidité. Comme a dit d’elle Daniel Barenboïm : « Un très beau tableau, mais sans le cadre ».

- Lucie Renaud

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Wednesday, December 17, 2008

Bruckner 9

Orchestre Métropolitain du Grand Montréal / Yannick Nézet-Séguin
Atma classique SACD2 2514 (67 min 1 s)
*** $$
L’interprétation de la Neuvième de Bruckner par Nézet-Séguin suscite les mêmes réserves que celle de la Septième, enregistrée il y a deux ans par le même chef. Un trait étonnant, innovateur de l’écriture brucknérienne, consiste à opposer les sections orchestrales pour qu'elles soient à la fois contraires et complémentaires. Privée de ce contraste, l'oeuvre peut paraître malhabile, ainsi que l'ont jugée ses premiers détracteurs. Ici, l’équilibre des blocs sonores laisse à désirer. La section des bois de l’Orchestre Métropolitain tend à s'effacer; les cordes, elles aussi, peinent à se faire entendre lorsque la masse orchestrale est imposante. Dans ces conditions, les thèmes semblent surgir de nulle part et disparaître à l’improviste, et leur mise en relief, dans certains cas, est pratiquée sur un fond plutôt brouillé. Du coup, la présence simultanée d’autres événements musicaux n’est plus perceptible ; le tissu orchestral en sort aminci. Il faut croire que Wand, Jochum, Celibidache ou Giulini ont placé trop haut la barre de cette œuvre exceptionnelle.

- Alexandre Lazaridès

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Relève le défi musical !

Exercices progressifs de lectures mélodiques, rythmiques et mélodico-rythmiques
D'Isabelle Robert
Disponible en téléchargement au http://www.musibach.com
Tout professeur sait combien il est difficile de faire lire correctement les élèves. Ceux qui ont une bonne oreille réussissent presque toujours à bluffer, alors que les plus faibles poussent parfois l'enseignant au découragement. Comment leur faire travailler la lecture sans qu’elle ne devienne un pensum ? Isabelle Robert propose ici un manuel intéressant, très bien gradué, pour venir en aide à tout le monde. Dans la section « lectures mélodiques », l'exercice est d’abord limité à deux notes, puis à trois, jusqu’à huit - sur une octave, puis sur deux. À la fin de la section, on accède à la lecture méli-mélo, qui occupe deux pages (j'en aurais souhaité davantage). Isabelle Robert aborde la lecture rythmique dans la deuxième section, les rythmes travaillés se trouvant dans l’en-tête de page. La dernière section propose deux pages où lectures mélodique et rythmique sont jumelées, faisant de l'exercice un excellent prélude au solfège traditionnel.

L’auteure propose quelques pistes d'utilisation de son matériel, mais elle encourage surtout le professeur à se montrer créatif. Fait à signaler : le document n’est pas disponible en version imprimée, mais seulement en téléchargement sur Internet. Vous pouvez donc choisir de l’imprimer ou faire travailler les élèves directement à l’écran, la petite main du curseur PDF servant de repère au besoin.

- Lucie Renaud

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Tuesday, December 16, 2008

Prokofiev: Betrothal in a Monastery

Lyubov Petrova, Claire Ormshaw, soprano; Alexandra Durseneva, Nino Surguladze, mezzo-soprano; Viacheslav Voynarovskiy, Vsevolod Grivnov, Peter Hoare, tenor; Andrey Breus, Alan Opie, Pavel Baransky, baritone; Jonathan Veira, bass-baritone; Sergei Alexashkin, Maxim Mikhailov, bass; London Philharmonic Orchestra / Vladimir Jurowski; The Glyndebourne Chorus / Thomas Blunt
Glyndebourne GFOCD 002-06 (2CD: 135 min 31 s)
***** $$$$
Voilà un petit opéra-comique tout à fait charmant composé en 1940 et, surprise, issu de la plume de Prokofiev. L'entrée en guerre de la Russie a annulé les espoirs de longévité de cette œuvre légère, basée sur une pièce de Sheridan (1751-1816). Betrothal in a Monastery raconte l’histoire de la fille d’un riche aristocrate qui cherche à se soustraire à un mariage forcé. La musique enjouée, souriante, pétillante, rappelle la Symphonie classique. Les solistes sont presque tous russes, d'où le parfait naturel des inflexions vocales et musicales. À une solide distribution s’ajoute la direction précise et nerveuse de Vladimir Jurowski, qui obtient de ses Londoniens une palette d’émotions et de couleurs très variée. Le luxueux livret présente les textes en français, anglais, allemand et russe (cyrillique malheureusement : aucune chance, donc, de suivre les dialogues originaux à moins de savoir déchiffrer cet alphabet particulier), illustrés de quelques belles photos de la production 2006 du Glyndebourne Opera.
- Frédéric Cardin

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Crazy

I Furiosi Baroque Ensemble (Gabrielle McLaughlin, soprano ; Julia Wedman, Aisslinn Nosky, violons ; Felix Deak, violoncelle et viola da gamba)
Dorian-Sono Luminus DSL-90802 (64 min 22 s)
** $$$
Ce CD n’est accompagné d’aucune note explicative mais comprend une invitation, rédigée en anglais seulement, à consulter quatre sites Internet pour obtenir des informations. On y apprend que l’ensemble I Furiosi est torontois et qu'il réunit des musiciens canadiens qui auraient renouvelé l’interprétation du baroque. On ne s’en serait pas douté à l’écoute du disque, dont l’objectif est de parcourir, et je traduis, « les corridors de la folie elle-même ». Le programme se compose de quatorze numéros : airs sur le thème de l’insanité amoureuse, sonates et variations de compositeurs italiens et anglais du 16e au 18e siècle, dont « La Folia » de Vivaldi, et « Suzanne » de Leonard Cohen (l'allégeance baroque de Cohen m'était, je l'avoue, inconnue). Les ratés d’intonation des cordes, l’absence générale de style, les limites de la soprano et une prise de son sans relief amènent l’auditeur à s’interroger sur l’utilité d’un tel enregistrement.

- Alexandre Lazaridès

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Monday, December 15, 2008

Haydn : Concerto pour trompette / Concerto pour cor no 1 / Concerto pour clavecin en ré / Double Concerto pour violon et fortepiano en fa

Dimitri Babanov, cor; Jürgen Schuster, trompette; Ariadne Daskalakis, violon; Harald Hoeren, clavecin et fortepiano; Cologne Chamber Orchestra / Helmut Müller-Brühl
Naxos 8.570482 (72 m 52 s)
*** $
Cette nouvelle parution de Naxos propose quatre concertos rarement entendus de Franz Joseph Haydn, dont les deux seuls survivants parmi la demi-douzaine écrits pour instruments à vent. Dans le Concerto pour cor no 1 (Hob. VIId:3) composé en 1762, Haydn fait une incursion inhabituelle pour l’époque dans le registre grave de l’instrument soliste. Le corniste russe Dmitri Babanov possède un son suave très agréable, rehaussé par une acoustique résonnante et une prise de son précise. Les instruments modernes de l’orchestre de chambre de Cologne offrent un accompagnement rafraîchissant, quoiqu'un peu mou dans le 3e mouvement.

Légèrement antérieur, le Concerto pour clavecin (Hob. XVIII:2) est une œuvre joyeuse et, avec ses modulations surprenantes, non dépourvue d’humour. Le clavecin y est à la fois membre de l’orchestre et soliste. Le Double concerto pour violon et fortepiano (Hob. XVIII:6) est le seul concerto de Haydn pour deux instruments solistes. Il s’agit d’une pièce d’intérêt limité, aux mélodies peu attachantes. Le duo de solistes permet néanmoins à Haydn d’explorer le lien entre concerto et musique de chambre.

Homme de son temps, Haydn compose en 1800 le célèbre Concerto pour trompette (Hob. VIIe:1) pour un instrument d'invention récente à l'époque : la trompette à clés. (Ces clés, actionnées par la main gauche, couvrent des orifices et permettent à l’instrumentiste de jouer la gamme chromatique dans tous les registres, une nouveauté par rapport à la trompette naturelle.) Le deuxième mouvement donne à entendre une mélodie expressive dans le riche registre grave. Jürgen Schuster possède un son lyrique (quoiqu’un peu trop chargé d’air à mon goût), mais il a la fâcheuse habitude de terminer ses phrases par des accents éclatants, pas toujours du meilleur goût. Une version qui ne détrônera pas celles de Winton Marsalis et de Håkan Hardenberger.

- Louis-Pierre Bergeron

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Handel: Water Music / Music for the Royal Fireworks

L’arte dell’Arco / Federico Guglielmo
Cpo 777 312-2 (66 min 5 s)
*****
Cette toute nouvelle version des deux œuvres les plus populaires de Haendel est, en théorie, « authentique ». Cependant, et bien qu’admirablement rendue par l’ensemble italien L’Arte dell’Arco, elle soulève des questions sur le sens du terme « authentique ». Une interprétation est-elle authentique parce qu'elle fait appel aux instruments anciens ? Assurément pas. Ou encore parce que les forces d’exécution de l'œuvre sont réduites ? Le doute s'accroît. Federico Guglielmo dirige ici un ensemble de 26 musiciens; or, Water Music et Fireworks ont été composés pour de vastes, voire monumentaux déploiements extérieurs… Cela dit, l’interprétation extrêmement vive et dépouillée proposée ici de ces icônes de la musique anciennes vient rafraîchir, dépoussiérer les sentiers de l'orthodoxie post-baroque. Elle met en relief des textures nouvelles, des lignes discursives souvent noyées, ou simplement oubliées. Je ne voudrais pas me départir de mes enregistrements « épiques » de Haendel, mais suis maintenant heureux d'en posséder une surprenante révision. Je crois que vous le serez aussi.

- Frédéric Cardin

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Sunday, December 14, 2008

Mœbius Écritures/Littérature: Musique!

Comité de direction : Nicole Décarie, Robert Giroux, Lysanne Langevin, Brigitte Mackay et Raymond Martin
Triptyque (139 p.)
**** $$
La littérature a de tout temps influencé la musique classique. Peut-on tenter l'association inverse? C'est ce que ce numéro de la revue littéraire Mœbius cherche à faire ici. D'entrée de jeu, on nous propose de jouer à l'avocat du diable, Philippe Gervais et Bertrand Laverdure prenant un malin plaisir à énoncer puis débouter certains préjugés entretenus face à la musique dite de concert. Le sujet est ensuite abordé tour à tour de façon presque tendre (les souvenirs de Claude Vaillancourt ou de Gilles Marcotte), plus pointue (le compositeur Antoine Ouellette qui tente de cerner le genre) ou plutôt virulente. Michel Gonneville livre ici un pamphlet inspiré, rédigé peu après l'annonce du départ de Georges Nicholson d'Espace musique. Côté fiction, la musique classique sert de matériau à quelques nouvelles assez bien menées. Une mention spéciale salue ici la plume habile de Stanley Péan dans Neume me quitte pas, le ton légèrement décalé de Simon Paquet dans Un cas classique ou l'intensité saisissante de Susanne Jacob dans Adagio / Lapidation. Karina Cahill propose quant à elle Suite de mouvements en concert, une nouvelle toute en finesse dont le parcours narratif est astucieusement inspiré par des pages de Rameau. Hans-Jurgen Greif retrouve un univers qu'il connaît bien, celui de l'opéra, dans la douce-amère La reine Cendrillon. Un recueil intéressant, multiforme, comme la musique qui l'a inspiré.
- Lucie Renaud

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Ludus Danielis

The Dufay Collective / William Lyons
Harmonia Mundi HMU 907479 (68 min 23 s)
****** $$$
À la fois théâtre par ses dialogues, drame par l'opposition entre la foi chrétienne de Daniel et les cours païennes des rois Balthazar et Darius, oratorio par l'importance accordée au chœur, le Jeu de Daniel combine deux épisodes du Livre de Daniel, soit le commentaire de l’inscription « Mane, Tekel, Phares » et le séjour miraculeux du prophète dans la fosse aux lions. Cet ancêtre de l’opéra est le résultat d’un travail collectif entrepris au XIIIe siècle, sans doute à Beauvais (France). Le texte offre une langue savoureuse, encore latine (la prononciation adoptée ici est hétérogène, souvent incompréhensible) mais travaillée par la germination de la future langue française (par exemple, « Va, car il veut te parler » est rendu par « Veni desiderat parler a toi »). On ne peut qu’admirer la variété de la réalisation instrumentale aux effets acoustiques parfois étrangement modernes, et l’improvisation indispensable en présence d’un manuscrit dont l’imprécision ouvre la porte à beaucoup de liberté. La prise de son ample suggère un espace vaste comme celui des cathédrales où ce Jeu était représenté.

- Alexandre Lazaridès

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Saturday, December 13, 2008

Lully : Psyché

Boston Early Music Festival Orchestra and Chorus
Paul O’Dette & Stephen Stubbs
Cpo 777 367-2 (3CD: 173 min 42 s)
***** $$$$
Après un excellent Thésée, l’équipe du festival de Boston propose ici sa récente production de Psyché, nouvel inédit de Lully. Créé en 1678, cet opéra résulte du remaniement d’une fastueuse tragédie-ballet donnée quelques années plus tôt, ce qui lui confère une place à part dans la production du Florentin. Transformé en opéra par l’insertion de nombreux récitatifs, Psyché conserve néanmoins de nombreuses traces de ses origines : les choeurs y tiennent un rôle mineur, au profit des petits ensembles vocaux et bien sûr des danses, presque tout le cinquième acte étant occupé par les entrées successives du grand ballet final, véritable apothéose qui réunit sur scène la plupart des dieux de l’Olympe et leur suite (mais aussi des polichinelles!). Fait inhabituel également, l’action dramatique est entièrement construite autour de deux héroïnes : Vénus (Karina Gauvin) poursuit la nymphe Psyché (Carolyn Sampson), jalouse de l’intérêt que son fils Amour et son mari Vulcain lui portent. Les deux chanteuses, malgré que ce répertoire ne leur soit pas souvent associé, s’en tirent avec honneur, l’une composant une Vénus fougueuse, l’autre une Psyché toute en finesse (et sans accent anglais!). Dans l’ensemble, si l’intrigue reste mince, elle donne prétexte à de forts belles pages, comme cette grande plainte italienne, à elle seule un petit opéra, avec marche d’ouverture, concert des flûtistes sur scène, lamento et ballet des porteurs de flambeaux. En dépit des faiblesses qu’accusent certains petits rôles, ce coffret, à défaut de DVD, préserve l’éloquence et la magie du spectacle qui avait séduit l’été dernier.

- Philippe Gervais

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Messiaen Chamber works

Hebrides Ensemble
Linn CKD 314 (73 min 59 s)
**** $$$$Ceux que la curiosité attire vers Messiaen mais qui craignent les rigueurs de l’avant-garde devraient prendre le pari de ce disque. D’abord pour le choix des œuvres, qui s'étalent du tout début (1932) à la toute fin (1991) de la carrière du compositeur. Ensuite pour l’instrumentation, familière et engageante. Enfin, et surtout, pour la calme précision de l’interprétation. Les habitués du Maître trouveront que le Quatuor pour la fin du temps n'inspire pas le recueillement mystique qui lui est si caractéristique, et qu’il souffre de problèmes d’équilibre (le souffle de Martin à la clarinette va parfois jusqu'à dominer le timide violoncelle de Conway), mais ils applaudiront à l’exécution de Thème et variation et du Merle noir, sans oublier les rares Fantaisie (récemment redécouverte par la veuve du compositeur) et Pièce pour piano et quatuor à cordes.

- René Bricault

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Friday, December 12, 2008

Olivier Messiaen – La liturgie de cristal

Un film d’Olivier Mille
Juxtapositions (107 min plus bonus)
***** $$$$
Musicien de la couleur, rythmicien maîtrisant les moindres inflexions d’une pulsation, ornithologue fasciné par ses « petits serviteurs de l’immortelle joie », pédagogue captivant qui a inspiré toute une génération de compositeurs, Olivier Messiaen reste l’une des figures musicales dominantes du XXe siècle. Ce film d’Olivier Mille, produit en 2002 pour Arté, trace un portrait de Messiaen en trois segments. Dans « Les oiseaux et la nature », on voit Messiaen à l’œuvre alors qu’il retranscrit des chants d’oiseaux et explique, fort éloquemment, comment il les « adapte » pour être perçus par l’oreille humaine. Dans « Les couleurs, les rythmes et l’enseignement », on se glisse dans sa classe de composition, où ses propos clairs et nuancés (on aura rarement perçu Debussy avec autant de justesse) fascinent autant que la profonde connivence qui unit maître et élèves. Le dernier segment, « La foi, la religion », permet de mieux apprécier l’œuvre pour orgue, mais aussi l'immense opéra Saint François d’Assise (qui sera présenté par l’OSM en décembre), somme d’une vie de travail, de dévotion. Des images magnifiques prises au mont Messiaen en Utah se mêlent à des documents d’archives, assurant une narration cohérente, sinon linéaire, soutenue par de nombreux extraits musicaux. (On aurait toutefois souhaité que les pièces et les interprètes ne soient pas identifiés seulement au générique final.) Les bonus comprennent des entrevues avec des compositeurs (dont Pierre Boulez, Gilbert Amy et George Benjamin) et des musiciens qui permettent de mieux mesurer l’influence de Messiaen. À noter que le film sera présenté à l’Auditorium Maxwell-Cummings du MBAM le 30 novembre (entrée libre).

- Lucie Renaud

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Schnittke : Die Klavierkonzerte

Ewa Kupiec, Maria Lettberg, piano; Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin / Frank Strobel
Phoenix Edition 103 (72 min 25 s)
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Serait-ce la première intégrale des concertos pour piano de Schnittke ? (Excluons la Music for piano and chamber orchestra de 1964, qui n'est pas à proprement parler un concerto.) Précisons d'emblée qu'un gouffre stylistique sépare l’œuvre de jeunesse des deux concertos suivants. Le « premier » (ils ne sont pas numérotés), en effet, ressemble davantage à Bartok qu’à Schnittke lui-même. Qu’à cela ne tienne, on tirera plaisir de l'excellente prise de son et de la fougueuse interprétation. Les jeunes interprètes ont le don d’illustrer tout le délire qui irrigue ces pages. Leur élan casse-cou provoque bien quelques erreurs de synchronisation rythmique, quelques trébuchements dans l'articulation, mais l’enthousiasme des musiciens s’avère contagieux et l’auditeur se fait indulgent. Il existe de meilleures versions du Concerto pour piano et cordes, mais pas dans un programme globalement mieux réussi. Gardez l’œil sur Kupiec, son jeu devrait s'affiner avec l'âge.

- René Bricault

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Thursday, December 11, 2008

Variés : Four American Quartets

Fine Arts Quartet
Naxos 8.559354 (62 min 27 s)
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Les compilations de musiques diverses n'ont qu'un intérêt, celui de la découverte. À moins d'une préférence marquée du mélonmane pour tel ou tel ensemble instrumental, la webradio, dans son infinie variété, les rend caduques. De plus, le répertoire n’impressionne guère ici: le Premier Quatuor de Ralph Evans sonne comme du mauvais Bartok à « tonalité élargie » (avec un demi-siècle de retard !); Philip Glass, fidèle à lui-même, donne dans un simplisme soporifique; George Antheil, dans son Troisième Quatuor, change de chapeau en passant du futurisme révolutionnaire de sa jeunesse à un folklorisme teinté d’humour; et le rapiéçage que sont les Echoes de Bernard Herrmann, malgré leur matériau solide et touchant, trahissent l’absence de conception formelle de ce spécialiste de musique de film. Bravo tout de même au Fine Arts Quartet pour son honorable prestation.

- René Bricault

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Schubert : Piano Sonata in A, D.959 / 6 Moments musicaux

Martin Helmchen, piano
Pentatone classics PTC 5186 329 (67 min 18 s)
**** $$$$
Lauréat du concours Clara Haskil en 2001, Martin Helmchen possède une technique à la fois impeccable et discrète, dont une certaine sécheresse semble être le revers. Son interprétation de la grande Sonate en la de Schubert en souffre. L’exécution obéit au métronome, sans cultiver les moments où la suspension du temps est l’enjeu de la pulsation rythmique. Le pianiste, même s'il le fait avec intelligence et goût, opte pour une interprétation objective – les notes d’abord - particulièrement dommageable dans le deuxième mouvement; le cataclysme central tient ici de la prouesse au lieu d’évoquer une plongée dans les abîmes. En revanche, les fausses miniatures que sont les Moments musicaux surprennent agréablement, à l’exception peut-être du dernier, trop évasif. Le pianiste respire ici plus largement et prend son temps; il aménage les épisodes centraux en rêverie qu’on souhaiterait sans fin, à l’image des « divines longueurs » toujours bien calculées de Schubert.

- Alexandre Lazaridès

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Wednesday, December 10, 2008

Le piano absolu : L’éducation d’un prodige

Lang Lang avec David Ritz
Paris : JC Lattès, 2008 (298 p.)
ISBN13 978-2-7096-3041-2
**** $$$$
À 26 ans, Lang Lang est devenu l’une des plus grandes stars de la scène classique actuelle. Charismatique, médiatisé, véritable pont humain entre les cultures orientale et occidentale, le pianiste chinois continue de faire couler beaucoup d’encre, les articles dithyrambiques voisinant quasi quotidiennement avec les critiques lapidaires. Dans cette autobiographie, mise en forme par David Ritz (qui a déjà exploré les univers de Ray Charles, Smokey Robinson, Aretha Franklin et Marvin Gaye), Lang Lang jette un regard sur son parcours atypique.

Fils d’une mère absente, qui consacre sa vie à travailler pour assurer la subsistance de la famille, et d’un père musicien devenu policier, Lang Lang manifeste rapidement des dons exceptionnels pour le piano. Ceux-ci fructifieront en partie grâce à ce père tyrannique qui abandonnera son travail pour faire de son fils une superstar en le faisant travailler de façon obsessionnelle. L'enfant n'a plus qu'un seul but : devenir le numéro 1 parmi 36 millions de Chinois qui travaillent leur instrument. Pari insensé? La route de Lang Lang a été, quoi qu’on en pense, parsemée d'embûches avant le premier prix international décroché à 15 ans, l'établissement aux États-Unis et l'ascension phénoménale qui l'y attend.

Lang Lang se livre avec une candeur charmante, dépourvue de tout misérabilisme. Le ton adopté par Ritz est précis, punch, les dialogues primant sur les descriptions. On déplorera à peine par moment le cachet très français de la traduction (quelques tournures ou choix de termes dont « cachetons » pour rendre gig, ou même le titre, grandiloquent, et qui n’a rien à voir avec l’original) et ses maladresses dans le champ musical (clé plutôt que tonalité, le Rachmaninov 2 plutôt que le Deuxième de Rachmaninov). Au final, qu’on apprécie ou non le jeu de Lang Lang, on ne peut qu’être fasciné par un tel périple.

- Lucie Renaud

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Tuesday, December 9, 2008

Tavener: Piano music

Ralph van Raat, piano
Naxos 8.570442 (61 min)
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Les oeuvres pour piano de Tavener, malgré l'extrême diversité qu'elles présentent à l'égard de la durée, du style, de la forme, et même de la qualité, ont des traits typiquement surexploités à notre époque: absence de développement macrocosmique, pastiche, répétitions, références néo-tonales. Palin fait exception. De loin la plus intéressante pièce du recueil, et la plus ancienne, elle joue non seulement avec une forme palindromique (« en miroir », d’où le titre), mais aussi avec le contraste entre d’obsessifs unissons répétés et des nuages d’accords atonaux délicatement arpégés. Pour ceux qui apprécient l’approche pianistique du jeune van Raat, sachez qu’il se trouve au sommet de sa forme, et offre sans doute là sa meilleure prestation sur disque à ce jour.

- René Bricault

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