Macbeth du Metropolitan Opera
Giuseppe Verdi : Macbeth
« Simulcast » du Metropolian Opera House de New York
Le samedi 12 janvier 2008, à 13 h 30
Distribution : Zelko Lucic (Macbeth), Maria Guleghina (Lady Macbeth), John Relyea (Banquo), Russell Thomas (Malcolm), Dimitri Pittas (Macduff), Elizabeth Blancke-Biggs (Dame de compagnie), James Courtney (Médecin).
Production conçue et mise en scène par Adrian Noble
Choeurs et orchestre du Metropolitan Opera House de New York dirigés par James Levine
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Verdi, comme Shakespeare avant lui, a conçu Macbeth à la fois comme un drame privé (l'histoire d'un couple de criminels dévorés par le remords) et un drame politique (une histoire d'usurpation et de guerre civile). En transférant l'action du Moyen Âge au vingtième siècle, Adrian Noble a accentué la dimension politique. Il a ainsi rendu un fier service à la musique en faisant valoir les scènes de foule, notamment celles du quatrième acte, où le couple maudit n'apparaît pas et que l'on a donc souvent tendance à négliger. Par contre, lorsque certains détails de costume ou de décor attirent trop l'attention sur eux-mêmes - que l'on songe à l'attirail ridicule dont sont attifées les sorcières ou à la présence incongrue d'une jeep militaire dans le finale -, sa « vision », si imaginative soit-elle, tombe dans l'anecdotique et, ce faisant, cesse d'intéresser.
Par bonheur, les scènes centrées sur Macbeth et sa Lady ne souffrent pas de ce genre d'encombrement visuel. Elles se déroulent dans un espace sobre organisé autour de quatre grand piliers qui, selon le contexte, deviennent les arbres d'une forêt ou les colonnes d'une salle de château gothique. C'est dans cet espace, et autour d'un panneau qui parfois y descend, que les deux protagonistes peuvent se livrer en toute liberté à l'exploration de leurs rôles respectifs – des rôles difficiles, complexes et tourmentés, ainsi que nous le rappelait le Maestro Levine, un instant avant la représentation.
M. Lucic et Mme Guleghina forment le couple Macbeth idéal, lui retenu, elle déchaînée.
Depuis deux ou trois ans, Zaljko Lucic se multiplie sur les grandes scènes lyriques. Il ne chante à peu près que du Verdi, et aucun des grands rôles que ce dernier a écrits pour les barytons ne semble lui faire peur. Serait-il l'héritier, si longtemps attendu, du manteau des Tito Gobbi et des Leonard Warren ? Il est trop tôt pour l'affirmer. Sans doute a-t-il une très belle voix et un sens indéniable du drame, mais il n'a pas encore acquis cette personnalité distincte, cette sonorité tout à fait personnelle sans laquelle un artiste, si doué soit-il, ne peut vraiment prétendre au titre tant convoité de baryton Verdi.
Les opéraphiles sont très divisés au sujet de Mme Guleghina. Il est révélateur que ces divisions tendent à opposer ceux qui ne connaissent la diva ukrainienne que par le disque ou la radio et ceux qui l'ont à la fois vue et entendue, soit sur scène, soit sur DVD. Les premiers ne manquent pas de souligner les imperfections de sa technique et les multiples approximations qui affectent son approche du texte musical. Maria Guleghina est une interprète inégale qui a ses mauvais jours et, même ses meilleurs jours, des moments difficiles, y compris le samedi du simulcast. Ses admirateurs le savent, mais cela ne les empêche pas de rétorquer à ses critiques : Sans doute avez-vous raison, mais quelle bête de scène ! En effet, on ne saurait le nier : la Guleghina est une actrice née, une tragédienne extraordinaire dont l'art doit presque tout à l'instinct et peu à la réflexion ou à la méthode. Ses DVD, de plus en plus nombreux, témoignent de ce que, à son meilleur, son Abigaille, à Vienne, en 2001 (TDK,) peut être aussi impressionnante que sa Lady Macbeth, hier au Met ou en 2004 au Liceu (Opus Arte). Mais sa Madeleine de Coigny, à Bologne en 2006 (TDK) et plus encore sa Tosca à la Scala, en 2000 (TDK), ont de quoi laisser songeur...
Le problème de la Guleghina, à plus ou moins court terme, est que Verdi n'a pas écrit vingt rôles comme Abigaille et Lady Macbeth. Quoi d'autre pourrait-elle chanter pour continuer à progresser dans ce style intensément dramatique et quelque peu survolté qu'elle a choisi d'adopter ? Verdi, son compositeur fétiche, n'a pas grand-chose de plus à lui offrir dans cette veine. Le belcanto est évidemment exclu (quoiqu'elle ait tout récemment tenté de s'attaquer à Norma). Le vérisme ? Ce n'est pas évident. Puccini ? On pourrait (peut-être) l'imaginer en Turandot, mais il n'y a qu'à l'écouter chanter « Vissi d'arte » pour douter qu'elle ait la subtilité et la finesse qu'exigent la plupart des autres emplois de sopranos pucciniens. Peut-être espère-t-elle finir, comme Rysanek, chez Strauss et Wagner, auquel cas il faudrait qu'elle solidifie sa technique pour mieux discipliner sa voix.
Entre-temps, son interprétation très personnelle du rôle de Lady Macbeth, « toute d'une pièce », demeure un spectacle sonore et visuel qui mérite d'être préservé pour la postérité. On espère que le Met aura la bonne idée d'en tirer un DVD.
Du reste de la distribution, il n'y a que du bien à dire. John Relyea et Russell Thomas se sont, comme toujours, montrés excellents dans leurs rôles de soutien, de même que très appréciés du public new-yorkais. Quant au ténor Dimitri Pittas, un nouveau venu, il a immédiatement séduit : on ne demande qu'à l'entendre à nouveau, alors même qu'on s'interroge sur ce qui a pu arracher une larme à son oeil gauche (en gros plan !) à la fin de sa grande scène. Un tendre et profond sentiment ou... un morceau d'oignon ?
Côté jardin et côté cour, on a pu constater que ce n'était pas pour rien qu'Adrian Noble a présidé pendant près de quinze ans aux destinées de la Royal Shakespeare Company : il sait comment transformer une masse amorphe de choristes et de figurants en un véritable acteur collectif.
Enfin, à l'orchestre, on continue de s'émerveiller des ressources que James Levine peut tirer d'un ensemble qu'il a lui-même dans une large mesure recréé depuis les nombreuses années qu'il le dirige.
Le prochain simulcast du Met aura lieu le 16 février. On présentera alors Manon Lescaut de Puccini.
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